Jean SENDY : "L'APPARITION DE L'AGRICULTURE",

Edts "J'ai Lu", page 112 - 118.


(...) Ce qui a été établi, dans le cours des dernières années, sur l'apparition de l'agriculture, constitue un bon exemple à la fois des résultats obtenus et des méthodes employées.
Les premières communautés humaines à avoir ébauché une sédentarisation avaient une "économie d'écureuils", dite "économie de cueillette" : on allait, à la saison, moissonner les graminées sauvages que l'on entassait pour le reste de l'année - la chasse constituait un appoint, à consommer tout de suite ; l'élevage restait à inventer.
Entre une graminée sauvage et sa "descendance" cultivée, il y a deux différences essentielles : le pédoncule et le tégument. Le grain sauvage DOIT tenir à l'épi par un pédoncule suffisamment friable pour ˆtre cassé par le vent, et son tégument DOIT ˆtre une véritable écorce, suffisamment robuste pur ne pas pourrir, entre la saison de la "moisson par le vent" et celle de la germination normale :

Une graminée sauvage au pédoncule trop robuste est vouée à la disparition, les grains que les oiseaux n'auront pas mangés pourriront sur l'épi, faute d'avoir pu ˆtre disséminés par le vent;
Disséminés par le vent, les grains pourriront dans la sol si leur tégument est trop léger pour résister à plusieurs mois de séjour en pleine terre.

Bien armées pour la sélection naturelle, les graminées sauvages sont tout le contraire de leur variété "d'agriculteur" : celui - ci VEUT un pédoncule robuste (réssistant non seulement au vent mais aussi au fauchage) et il NE VEUT PAS D'UN TEGUMENT RESISTANT AU POINT DE RENDRE LE DECORTICAGE DU BLE AUSSI DIFFICILE QUE CELUI DES NOISETTES...
L'agriculteur n'est pas contraint, comme la nature, de faire la moisson et les semailles la mˆme jour.
A Jarmo (dans l'actuel Irak), c'est la découverte d'une évolution des semences, du blé sauvage au blé d'agriculteur, qui a permis de situer vers -8000 l'apparition de la première "économie d'agriculture" connue se substituant à l' économie de cueillette. Et les méthodes qui ont permis aux archéologues de donner cette précision discréditent définitivement ceux qui croient qu'on peut encore dire n'importe quoi sans risquer de démenti rationnel.
L'archéologie commence par une prospection systématique de la région o— les légendes (toujours elles) situent quelque sédentarisation remontant à la "nuit des temps" ; quand l'emplacement apparaŒt plausible, on sonde, puis on fouille... le travail archéologique proprement dit commence quand on établi que quelques dizaines de tonnes de débris, prélevés sur plusieurs mètres de profondeur, méritent d'ˆtre "passés à la passoire à thé". Chaque couche de sédiments (nom noble des débris) est datée par la méthode du carbone 14, ce qui permet de situer dans le temps chaque tesson de poterie, chaque éclat d'os... et jusqu'à des grains de blé vieux de plus de dix mille ans.
C'est ainsi que la vie des communautés qui se sont succédé à Jarmo a pu ˆtre reconstituée. Pour libérer le grain de blé sauvage de son tégument robuste, il fallait le faire grillé sur des tamis secoués au-dessus du feu ; quelques grains tombaient, que la "méthode de la passoire à thé" a permis de retrouver parmi les tonnes de débris des couches les plus anciennes. Et à mesure que l'on remontait vers les couches plus récentes, les grains tombés des tamis grilloirs, apparaissaient pourvus d'un tégument de plus en plus léger.
Les moissons de blé sauvage à Jarmo devaient se faire sur un principe analogue à celui des moissons de riz sauvage en Amérique : on dispose des toiles au pied des tiges, on secoue comme ferait le vent, et les pédoncules friables cassent, le grain tombe. Le grain échappant aux hommes suffit pour assurer les semailles. Mais ce sont des moissons très aléatoires : il faut arriver pile, le jour o— le grain est bon a moissonner... et ne pas se laisser devancer par le vent, qui en quelques rafales peut condamner à une année de famine.
Les habitants de Jarmo avaient l'esprit inventif: les fouilles ont fait retrouver, dans les couches datant de -8000, des éclats de silex, dont divers indices permettent de penser qu'ils devaient ˆtre assemblés sur "des montures de faucille" en bois, et sur lesquels a subsisté le "vernis siliceux" qui caractérise les outils ayant servi à trancher des tiges.
Mais une faucille en silex secoue une tige bien plus que le vent ; les habitants de Jarmo avaient-ils donc réussi, par une séléction raisonnée des semences, à faire artificiellement évoluer leur graminée sauvage, à pédoncule robuste et tégument léger ?

C'est cette archéologie, libérée des rˆveries du XIXème siècle et devenue science rigoureuse, qu situe l'apparition de la première civilisation humaine vers -8000, à Jarmo et aussi à Jéricho o— (Pur Hasard encore ? ) le peuple élu de Mo‹se cherchait "un secret".

A partir d'ici, nous entrons dans la domaine des hypothèses, pour cohérence d'ensemble dans laquelle s'inclut l'invention de l'agriculture. La sélection des semences a-t-elle été découverte comme l'art d'assembler des silex sur une monture, c'est-à-dire par un progrès naturel de l'esprit humain ? C'est une hypothèse, au mˆme titre que "mes" Célestes, celle d'une "civilisation humaine perdue" ou celle, rationnellement non acceptable, c'est-à-dire exclue de ce livre, de la Voix de Dieu métamorphosée en agronome.
Mais les méthodes mˆmes qui ont permis de situer vers -8000 "l'explosion novatrice" que fut la découverte de l'agriculture excluent l'hypothèse d'une enseignement hérité d'une civilisation terrestre-humaine perdue" :
Nos archéologues en son à retrouver, identifier et dater des grains vieux de dix mille ans ; il est exclu qu'il aient laissé passer quelque objet plus ancien mais plus durable, attestant d'une civilisation mˆme très antérieure, si une telle civilisation a jamais existé.

Une civilisation d'origine purement terrestre a, certes, pu exister dans la nuit des temps... il y a cent mille ou cinq cent mille ans ; mais si l'archéologie n'en retrouve RIEN, comment les habitants de Jarmo en auraient-ils retrouvé (eux qui ne savaient pas lire) un enseignement sur la sélection des graines ? Cela nous ramène au dilemme :

- OU les habitants de Jarmo ont découvert la sélection des semences sans aucune aide autre que celle du Pur Hasard ;
- OU l'agriculture leur a été enseignée par des bƒtards de Célestes et d'humaines, comme l'affirme le Mythe commun à toutes les civilisations surgies toutes armées du néolithique.

Il est bon de rappeler, à ce propos, le mythe du Ma‹s, que les Amérindiens affirmaient ˆtre un "don des Célestes". Le ma‹s est le type mˆme de la graminée d'agriculteur : grains fortement attachés à l'épi, tégument très facile à détacher. Abandonné à lui-mˆme, un champ de ma‹s est voué à la disparition, les grains qui ne ont pas mangés par les oiseaux pourrissent sur l'épi. Or, il n'existe pas de ma‹s sauvage, et on n'a jamais trouvé de plante qui puisse passer pour "l'ancêtre sauvage" du ma‹s. Les botanistes ont, de mille fa‡ons, tenté de faire revenir le ma‹s moderne à l'état sauvage ; ils parviennent à le faire dégénérer, mais ils n'ont jamais obtenu une plante "sauvage", c'est-à-dire capable de perpétuer l'espèce sans l'aide de l'agriculteur. (le blé sauvage existe, le blé cultivé revient facilement à l'état sauvage ; aucune légende ne présente le blé (ni le riz) comme un "don des dieux" : les " dieux ", dans les civilisations du blé et du riz, n'ont fait qu'enseigner l'agriculture).

- le ma‹s s'obstine à confirmer son mythe, de Célestes ayant apporté une graminée qui n'existe pas sur notre planète à l'état sauvage ;
- le blé et le riz s'obstinent à confirmer leur mythe, de Céleste ayant enseigné l'art de transformer en graminée d'agriculteur une graminée terrestre sauvage.

Une donnée d'un autre ordre apparaît mal compatible avec la thèse d'une agriculture créée par l'esprit humain. Robert Graves [The Greek Myths] et les ethnologues sur les travaux desquels il se fonde sont parvenus à la conclusion que, vers -10000, le matriarcat était la règle dans las communautés humaines : les humains n'établissaient pas le lien entre l'acte de chair et la fécondation des femmes (ce qui les mettait au niveau des autres mammifères), mais ils avaient déjà un esprit "métaphysique" (les élevant au-dessus des autres mammifères) qui leur faisait adorer la Déesse-Mère ; celle-ci passait pour offrir aux humains, pour preuve de Sa réalité, la reproduction de l'espèce, obtenue par le truchement des femmes, Ses légitimes prêresses.
Ce matriarcat n'est pas une donnée certaine (surtout présenté de fa‡on aussi linéaire), mais une donnée plausible, et même probable, cohérente avec la niveau intellectuel dénotable chez les hommes de -10 000, que leur "art" montre dégénérés par rapport aux plus anciennes peintures pariétales connues. C'est une donnée suffisamment probable pour inciter à poser une question :

- des humains, ayant sur la fécondation des femmes des notions dignes d'un gorille en -10000, pouvaient-ils entre -9000 et -8000 avoir progressé au point de concevoir le principe d'une sélection des semences qui les situe très au-dessus des primitifs amazoniens de 1968 ?

Tout est possible. Ou plus exactement, il est très possible d'accepter la thèse d'humains ignorant la corrélation entre l'acte de chair et la fécondation des femmes en -10000 , et il est très possible d'accepter la thèse d'humains sélectionnant leurs semences, sans enseignement extérieur, entre -9000 et -8000. J'ai rencontré d'excellents ethnologues qui justifient, par d'excellents arguments, soit l'une, soit l'autre thèse :

- mais (peut-être faute de vous connaître, vous) je n'ais jamais rencontré d'ethnologue connaissant à la fois le culte de la Déesse-Mère et l'apparition de l'agriculture, et acceptant donc de confronter las données de l'une à celles de l'autre discipline, qui apparaissent séparées par des cloisons étanches.

Ce qui nous fait déboucher, ici comme dans le reste du livre, sur ma principale ambition : briser les cloisons étanches.

 

UNE ASCESE PAR LE PELERINAGE.

Une autre ascèse est la marche, la marche "à son pas", à travers la nature, par les bois et les landes, les montagnes et les gués. Il arrive un moment, quand la fatigue est dépassée, où le rythme de l'homme s'intègre au rythme de la nature, de la terre, du ciel , où il se trouve en accord avec ces rythmes généraux, où ils le pénètrent, où il les pénètre. Il rentre en état de réceptivité. Il devient un autre homme, il est en état de grâce. C'est une des raisons de ces pèlerinages antiques qui lançaient les philosophes grecs sur les routes initiatiques, les philosophes musulmans dans leurs voyages, les foules chrétiennes vers les tombes des saints, les compagnons dans leur périple du Tour de France...
Il va bien sans dire que cet état de "connaissant" donne à l'homme quelques "pouvoirs" dits magiques puisqu'il développe des facultés dont est privé le commun, notamment en ce qui concerne la thaumaturgie, d'où la nécessité d'un certain secret dans l'apprentissage des "moyens".
Le secret interdit la possibilité de constitution de documents, sauf de documents seulement lisibles pour ceux-là auxquels on a livré les moyens de déchiffrement. Dans leur nature, ces "documents" sont du même ordre que les formules algébriques ou chimiques qu'utilisent les mathématiciens ou les chimistes. Si l'on ne connait ni l'algèbre ni la chimie, les formules sont aussi indéchiffrables qu'une page de chinois pour qui ignore cette langue.
Mais ce secret a une autre conséquence : il crée la pérennité. Les secrets que l'on doit garder et transmettre sont, par cela même, à l'abri - relatif - de la destruction, au moins plus à l'abri que ce qui est semé à tout vent.

Le langage parlé change de sens d'une terre à l'autre. Les mots perdent leur valeur puis leur sens, à tel point qu'il faut parfois faire un effort de traduction pour comprendre dans leur pleine signification des textes du siècle dernier... Mais si les enseignements sont réduits en symboles fondés sur l'essence même plus que sur la forme de ce qu'ils doivent transmettre, ils acquièrent une stabilité qui tient à la stabilité même de cette essence. La transmission s'en pourra donc faire sans déviation puisque l'essence est constante.
Seulement, pour les comprendre il sera nécessaire que l'individu lancé dans la quête de leur signification soit capable d'en atteindre l'essence, c'est à dire se trouver au moins en état de réceptivité de la connaissance.
Il le faudra en état de grâce, c'est à dire initié. En définitive, il s'agira d'une transmission d'initié à l'initié, par-delà le temps au besoin, et le secret en sera d'autant mieux gardé que l'initié aura autant de difficulté à les expliquer à un profane qu'il en aurait à faire entendre de la musique à un sourd.
C'est d'ailleurs ce qui explique la faillite de toutes les explications de symboles, l'explication vidant le symbole de toute substance.
Autre conséquence, dite magique, les symboles, les vrais, ayant une parenté analogique de nature avec ce qu'ils symbolisent, deviennent des instruments d'action sur la chose symbolisée... Mais c'est encore là une chose qui échappe à l'intellectualisme pour lequel l'analogie s'arrête à la ressemblance. C'est à dire à l'apparence.
Dans son principe, tout cela a donné naissance à l'Om Mane Padme Om des Indes, à la psalmodie hébraïque, aux litanies chrétiennes et surtout, à la cabale phonétique d'Occident et sous sa forme écrite, à la Kabbale hébraïque.
D'où l'importance du nom...
Et il fallait que le chemin de Compostelle fût un chemin de Jacques.

 

LES CAGOTS :

On ne sait pas très bien ce que furent les "Cagots" qui pourtant, persistèrent jusqu'à nos jours et ne sont peut-être pas complètement éteints. C'est une énigme bizarre dont eux-mêmes ne semblent pas avoir eu la solution, à moins qu'ils ne l'aient soigneusement cachée.
Les Cagots constituaient ce que l'on a considéré longtemps comme une ethnie, vivant presque uniquement dans les Pyrénées, et qui étaient tenus par les populations dans une très stricte ségrégation, analogue, en beaucoup de points, à celle dans laquelle sont tenus, en Inde, les parias, y compris l'intouchabilité.
Dans les villes et les villages où il s'en trouvait, ils vivaient dans des quartiers séparés que l'on nommait "cagoteries". Ils n'entraient dans les églises que par une porte séparée et utilisaient, pour prendre l'eau bénite un bénitier spécial. On ne leur donnait la communion qu'au bout d'une palette de bois. Ils étaient, de plus réputés lépreux...

Ils étaient confinés dans des métiers bien déterminés. Les hommes étaient charpentiers, maçons ou tailleurs de pierre et les femmes tisserandes. Comme marque de ségrégation ils portaient obligatoirement, sur l'épaule gauche, une patte d'oie de drap rouge (la couleur de la croix templière, qui était également portée sur l'épaule gauche).
Ils étaient presque exclusivement pyrénéens. On les rencontrait en Espagne dans les provinces de Guipuzcoa et de Navarre et principalement dans la région de Jaca. En France, ils résidaient non loin de la frontière, surtout vers Orthez et Oloron-Sainte-Marie, c'est à dire dans la région correspondant à Jaca de ce côté-ci des Pyrénées; également dans les Hautes-Pyrénées vers Cauterets et en Haute-Garonne vers Saint-Bertrand-de-Comminges, c'est à dire en face des passages pyrénéens dont on ne les signale jamais très éloignés; leurs habitats les plus lointains se trouvant être quelques villages des Landes et du Gers.
On ne peut écarter la possibilité qu'il se soit agit d'une ethnie car, dans ces pays où la population est généralement brune aux yeux noirs, beaucoup d'entre eux étaient blonds aux yeux bleus, et de plus, leurs oreilles étaient souvent dépourvues de lobes... Mais la ségrégation dans laquelle ils étaient maintenus était telle qu'il leur était impossible de se marier autrement qu'entre eux et, à la longue, une certaine dégénérescence a pu se manifester; ou le retour à l'accentuation de traits d'ancêtres éloignés.
Leur taille était également assez faible mais, comme leur vie était misérable, ce fait ne peut être affirmé comme une particularité raciale.
A la fin du XIIIème siècle, ils apparaissent dans les textes sous le nom de Crestias, ce qui, en dialecte d'oc, signifie à la fois chrétien et crétin. C'est une étymologie qui paraît ne signifier rien puisque ces gens vivent en pays chrétien et que ce n'est alors nullement une particularité que de l'être. Quant au mot de crétin, c'est évidemment une injure délibérée.
Gérard de Sède émet l'idée que ce sobriquet avait pu être provoqué par le fait que leur chevelure blonde leur faisait comme une crête, ou même que cette crête aurait pu être un bonnet phrygien, qu'ils portaient volontiers.
L'explication, cette fois, ne peut être écartée délibérément. La Phrygie est une ancienne contrée du centre de l'Asie Mineure, peuplée de Bébryces, issus des Pélasges, ces peuples qui "vinrent de la mer". Ce fut, de plus un des pays que dominèrent les Galates, ces Gaulois installés en Asie Mineure vers 300 av J.-C.

Un culte particulièrement important y était rendu à Cybèle, la grande Déesse-Mère qui s'apparente de très près à la celtique ou antéceltique Bélisama, symbole de la nature féconde, et le bonnet phrygien était celui des prêtres de la Déesse.
Or ce bonnet était également porté en Crète où il avait le sens très net d'une distinction des initiés.
Mais les Cagots sont des bâtisseurs et il est assez probable qu'ils furent responsables d'une bonne partie des églises pyrénéennes avant qu'ils ne fussent complètement "ségrégationnés". Officiellement, on leur doit l'église abbatiale de Saint-Savin, près d'Argelès.
... Et qui dit bâtisseurs de temples dit initiés.
Ces Crestias ne seraient-ils simplement que des Crétois, non pas certes d'origine, mais ainsi appelés pour des raisons "d'époque"?

En effet, ce nom de Crestias n'apparaît qu'à la fin du XIIIème siècle, c'est à dire au moment du retour des croisés après leur expulsion du Proche-Orient par les musulmans. Tous rentrent alors; non seulement les croisés, mais encore les constructeurs qui n'ignoraient ni la Crète, ni le labyrinthe, ni Dédale...Et ils ne l'ignoraient point parce qu'ils avaient retrouvé, chez les descendants des Pélasges, une antique tradition venue de la mer et qui était, dans son essence, la même que celle du chemin de Compostelle.
On ne peut oublier que, chez les constructeurs du Moyen Age, un labyrinthe s'appelait un "dedalus", en souvenir du labyrinthe minoen de Crète...
Quelque étymologie que l'on choisisse, cela tourne toujours autour de la construction...
Le terme "Cagot" n'apparaît lui dans les textes, que vers le XVIème siècle. Dans les textes, car son origine est certainement beaucoup plus ancienne, quoiqu'il ne semble pas qu'elle ait été déterminée de façon satisfaisante.
On a pensé aux Gabales, cette tribu celto-ligure qui a donné le nom au Gévaudan et qui selon Strabon, aurait été de bonne heure en relation avec les Phéniciens...
Au XVIIIème siècle, Court de Gibelin estimait que les Cagots étaient les restes d'un ancien peuple qui habitait ces contrées et qui, ayant été vaincu, fut asservi à une affreuse dépendance. Ainsi ces divers rapprochements pouvaient suggérer, avec toute le prudence qui s'impose, que les Cagots étaient les descendants d'une tribu protohistorique spécialisée dans les activités de constructions".
D'autres étymologies, encore, ont été proposées. En langue celto-ligure, le chien est ca (cu en gaélique); la racine indo-européenne ou pré-indo-européenne est la même que celle du latin : canis, et cela nous a donné, outre le chien, le cabot argotique. Selon Gérard de Sède, il se pourrait que Cagot signifiât : "Chien de Goth" ou "Chien des Goths".
Il est certain que, tout autant que le Nord honnissait les Francs, le Sud de la France et l'Espagne honnissait les Goths. (Il y aurait beaucoup à dire sur la facilité avec laquelle l'armée musulmane, constituée surtout de Berbères, put pénétrer sans grand dommage dans tous les pays sous la domination wisigothe, c'est à dire jusqu'à la Loire; les peuples n'ayant nulle envie de lutter contre ceux qui les débarrassaient de leurs "seigneurs"). Le peuple aurait alors conservé quelques ressentiments contre les constructeurs de châteaux goths...

L'étymologie n'est toutefois pas très satisfaisante, encore que l'on aurait tort d'éliminer le chien. Outre le Grand Chien qui se trouve au bout de la Voie lactée, le chien comme le loup sont en effet, demeurés des totems de constructeurs et les "Compagnons du Devoir de Liberté", ex. : "Enfants de Salomon", se disent encore Chiens, et les "Compagnons Passants du Saint Devoir", ex. : "Enfants de Maître Jacques" se disent : Loups.
Peut-être le suffixe basque "go" permet-il d'accéder à une explication plus satisfaisante. Ce suffixe, en effet, porte une idée de lieu ou de métier appliquée au substantif. Le dictionnaire basque-français de Lhande donne l'exemple suivant : Israel-go, d'Israël. Il est supposable - nous sommes là dans des contrées qui furent longtemps ou sont encore de langue basque - que Cagot pourrait être une dialectisation de Ha'r-go, métier de pierre ou même Ca-go métier de chien, et par extension, ceux qui l'exercent.
Pierre, chien ou loup, nous restons dans le domaine des constructeurs et des constructeurs du chemin de Saint-Jacques, le domaine des Jacques.
Il est notable, d'ailleurs, que les Cagots ont un légendaire qui s'apparente à celui des Jacques et singulièrement à celui des "Enfants de Maître Jacques". Eux aussi ont participé à la construction du temple de Salomon. (La malignité publique les accusant d'y avoir fait du si mauvais travail qu'il furent renvoyés du chantier. On les accusait également d'avoir été les charpentiers de la croix du Christ...)
Leur habitat est en lui-même très "parlant". Ils sont, en quelque sorte, "concentrés" sur les" entrées" du chemin de Saint-Jacques, soit au Guipuzcoa et dans les provinces basques françaises, soit de part et d'autre du Somport ou vers les passages du Val d'Aran.
Ils sont constructeurs, portent le bonnet d'initié et sont marqué de la patte d'oie... Serait-il possible que nous nous trouvions là en présence des derniers descendants des constructeurs de dolmens, sectateurs de Lug; Lug, qui se prononce Lou comme l'animal totémique des Jacques...?
Il resterait à expliquer l'ostracisme dont ils furent les victimes durant plusieurs siècles...
En l'absence de tout document il est difficile de saisir le processus de ségrégation, qui fut féroce. On comprend bien que le premier acte ségrégationniste vient d'eux-mêmes comme il en est pour toute minorité qui désire garder sa personnalité et qui se retranche ainsi quelque peu de la société majoritaire. Le fait est suffisamment constant pour qu'il ne soit pas nécessaire d'insister.
Ce retranchement de la société est ici aggravé par le fait qu'il s'agit de gens de métier, détenteurs de secrets de métier farouchement gardés, de secrets initiatiques également, de rituels qui ont nécessairement une forme religieuse particulière suffisante pour les rendre suspects aux chrétiens de type courant. De plus, il s'agit de gens parlant un argot de métier d'apparence hermétique; utilisant des comparaisons de métier, des allégories de métiers, ce qui en fait, en quelque sorte des étrangers.
Ajoutez à cela que leur compagnie avait nécessairement et initiatiquement une apparence de fraternité avec ce qui en découle : un soutien fraternel et un pacte du sang réservé plus volontiers aux membres de la fraternité.
Il n'en faut généralement pas plus pour créer l'amorce d'une ségrégation, mais d'autres facteurs vinrent sans doute aggraver cet état.

Tout d'abord, on sait qu'on leur a fait la réputation, presque jusqu'à nos jours d'être lépreux, ce qui même sans apparence de vérité, suffisait à les mettre à l'écart par terreur. Cette réputation n'était pas nécessairement fausse au départ. On commence à parler d'eux dans des textes comme d'une minorité à part vers le temps du retour des croisades; il est non seulement possible, mais probable, qu'il y avait parmi eux des gens qui revenaient d'Orient et il n'est pas impossible que parmi ceux-là ait existé des lépreux, la lèpre n'étant pas alors une maladie très rare... Et il n'est pas certain qu'une fraternité ait accepté volontiers que ses lépreux soient relégués dans les léproseries communes et ainsi la crainte inspirée à leur retour n'était peut-être pas tout à fait dépourvue de raison.
Cela expliquerait aussi cette entrée séparée dans les églises, ce bénitier séparé et cette façon de leur donner la communion au bout d'une palette de bois.
Aucune explication à cette ségrégation et surtout à sa durée n'est d'ailleurs satisfaisante. Il en est sans doute d'autres et l'on peut se demander si, du fait de l'apparition des "cagoteries" après l' "Inquisition", l'Eglise, une certaine Eglise dominicaine, n'y aurait pas quelque responsabilité envers une coterie dont les traditions étaient maintenues contre un conformisme imposé...
Ou si, comme Philippe le Bel le fit contre les fraternités de constructeurs libres en France, on n'aurait pas tenté de réduire à merci en Occitanie ces constructeurs protégés du Temple. Frère de métier qui ne s'inclinaient point.
Le problème demeure entier...

(D'après Louis Charpentier : "Les Jacques et le Mystère de Compostelle", Editions "J'ai lu", page 135 à 141).

LES "GAVOTS" ET LA LANGUE DES OISEAUX.

(D'après Gérard De Sède : "Le Mystère Gothique", Editions Robert Laffont, pages 200 à 212.)

[SEGREGATION DES CAGOTS]

Jusqu'au XVIIIème siècle, il existait dans le sud-ouest de la France et le nord-ouest de l'Espagne une caste d'intouchables analogues aux parias de l'Inde. Ses membres faisaient l'objet d'une rigoureuse ségrégation : Ils étaient confinés dans des ghettos, étaient astreint à porter un signe distinctif : une patte palmée de couleur rouge cousue sur la manche droite; ils n'avaient pas le droit d'entrer à l'église par la grande porte ni de tremper le bout de leurs doigts dans le bénitier commun : dans certaines églises méridionales comme celles de Libourne et de Saint-Bertrand-de-Comminges, on peut toujours voir les portes et les bénitiers spéciaux qui leur étaient réservés; le prêtre ne leur tendait l'hostie qu'au bout d'un bâton; bien entendu ils ne se mariaient qu'entre eux: même après leur mort, la ségrégation continuait : ils n'avaient pas le droit au cimetière, on les enterrait dans des fossés (Les Goths enterraient leur "Grands" dans des cours d'eau) ou sur le rivage de la mer (l'Eau, la Mer!).
Ces parias étaient appelés les Cagots.

[L'OCCITANIE LIBERALE]

Le sort révoltant qui leur était fait est très surprenant. Ilot de libéralisme au milieu de la dogmatique Europe médiévale, le pays occitan était en effet exempt de racisme : il fut hospitalier aux Wisigoths, aux juifs, aux Arabes; ce ne sont donc pas des raisons ethniques qui peuvent expliquer la ségrégation des Cagots. Ce ne sont pas non plus des raisons religieuses, même si cette ségrégation, mentionnée pour la première fois en 1288, semble n'avoir commencé qu'après l'écrasement de la tolérante Occitanie cathare et le retour agressif de l'Inquisition; en effet les Cagots ne boudent pas la messe et un vieux texte précise même qu'il faut leur faire l'aumône "en reconnaissance de leur chrétienté et séparation".

[LEPREUX !]

Pour expliquer la ségrégation, on se bornait à affirmer que les Cagots étaient "gavots". Comme on ne savait pas ou plutôt, on ne savait plus très bien ce qu'il fallait entendre par-là, on prétendait que "gavot" signifiait en quelque sorte "lépreux". Mais d'abord dans la langue d'oc l'emploi du terme "gavot" pour "lépreux" est rarissime. Et surtout les nombreux savants qui étudièrent les Cagots entre le XVIIème et le XIXème siècle, comme les docteurs Manvieille, Fay et Auzouy, constatèrent qu'ils étaient parfaitement sains à tous égards. En 1867 Auzouy écrivait avec un humour assez noir : "Les Cagots jouissent d'une conformation normale; comme ce ne sont pas des malades, ils n'ont pas de guérison à attendre, si ce n'est du perfectionnement des mœurs publiques des contées qu'ils habitent".
La ségrégation des Cagots semble donc un mystère. Mais d'abord, d'où venaient les Cagots?

[ORIGINE]

Etaient-ils les derniers représentants d'une ethnie disparue? Ce n'est pas impossible car leur type physique tranchait sur celui des populations pyrénéennes : ils étaient de petites tailles, blonds aux yeux bleus.
En 1625, Oihenart affirmait que les Cagots descendaient des Goths ariens et expliquait même leur ségrégation par ce double caractère non autochtone et non orthodoxe. La même origine leur est attribuée par un vieux poème occitan qu'on récite encore parfois dans les Veillées. Ce poème fait descendre les Cagots des Ostrogoths et précise :

Le pays qui les a vus naître
A jadis été brûlé
Par une horde de Sarrasins
Qui méprisait Dieu.
Relégués parmi nous.
Ils sont les débris d'une armée
Qui ne pouvait plus avancer.

Bien sûr, nous ne pouvons pas exiger d'un poème populaire la rigueur scientifique d'une thèse d'histoire, mais nous avons ici plusieurs indications intéressantes : Ce pays d'origine des Cagots, envahi par les Sarrasins, pourrait bien être l'Espagne wisigothique et ces Cagots, débris d'une armée en déroute repoussée vers le nord, pourraient bien s'être joints aux Wisigoths qui trouvèrent refuge après leur défaite dans les Asturies et sur la côte Cantabrique. En Espagne, c'est en effet dans le Guipúzcoa, en Navarre et dans la région de Jaca que se trouvaient les Cagots, et en France dans les régions contiguës : Gascogne, Béarn, et Comminges.

[DEFINITION ETYMOLOGIQUE]

Ouvrons à présent n'importe quel dictionnaire au mot "cagot". Le Quillet par exemple :
"Cagot (Canis Gothi, chien de Goth) : Dénomination injurieuse donnée à des populations méprisées et comme maudites qui ont encore des représentants dans certaines parties de la France, principalement au pied des Pyrénées."

Cette étymologie est sans nul doute la bonne. Elle se passe même de l'intermédiaire du latin puisque dans la langue d'oc "chien" s'écrit "can" et se prononce "ca" tandis que "Goth" s'écrit et se prononce "got".

[OUI MAIS...]

Mais elle soulève un problème : En terre occitane, les Goths et leur religion ont laissé un souvenir respecté : une montagne porte le nom d'Alaric, Castelnaudary signifie "château neuf des Ariens" et nous avons vu les Toulousains défendre encore au XVIIème siècle " les Franchises héritées des "bons rois Goths". Et il en est de même en Espagne où être "hidalgo", c'est-à-dire fils de Goth, est resté synonyme de noblesse. Il en est donc tout à fait exclu que l'expression "chien de Goth" soit une injure adressée à des gens qui auraient été descendants des Goths.

[SUREMENT AINSI...]

Cagot, chien de Goth, doit être compris dans le sens de "serviteur fidèle des Goths", exactement de la même manière qu'on appelait par jeu de mots les dominicains Domini canes, chien de Dieu, en raison de leur fidélité exemplaire à l'Eglise Romaine.
Dans ce cas les Cagots n'auraient pas été les descendants des Goths mais ceux d'un peuple ou d'une corporation que les Goths auraient amenée avec eux et qui effectuait pour leur compte certains travaux.
Si cela se confirmait, l'on pourrait mieux s'expliquer la ségrégation des Cagots. Souvenons-nous qu'étymologiquement ségrégation est synonyme de sacralisation. Le mot "sacré" vient en effet du latin "sacer" qui signifie "séparé".

[LE SACRE, RESPECT ET HORREUR (sacrée)]

De là vient aussi le mot "sacerdoce" car à l'origine, c'est l'exercice de métiers tenus pour magiques qui fait de certains hommes des "gens à part" vis à vis de la communauté. Leurs activités, à la fois bénéfiques et redoutables mais en tout cas considérées comme mystérieuses car ils gardent pour eux leurs secrets techniques, inspirent à la fois le respect et la terreur : c'est là l'ambiguïté du sacré? Il arrive que la terreur l'emporte sur le respect et ceux qui exercent un art "sacerdotal" sont alors bannis. C'est ce qui arriva, par exemple aux Gitans qui formaient jadis dans l'Inde une corporation respectée et redoutée de forgerons : Un jour vint où leur commerce mystérieux avec le feu et les métaux finit par inspirer aux profanes une "horreur sacrée" et où ils furent condamnés à l'exil, à l'errance et au mépris.

[ACTIVITE SACERDOTALE]

Or il se trouve que ces Cagots exerçaient une activité bien définie qui présentait justement le caractère d'un "art sacerdotal" : ils étaient exclusivement maçons, tailleurs de pierre et surtout charpentiers et se consacraient plus spécialement à la construction des églises.
Et s'il faut en croire le poème occitan cité plus haut, c'est une aventure comparable à celle des Gitans qui leur serait arrivée :
Cagot de Canaan, rebut des charpentiers.
De l'Est à l'Ouest pourquoi es-tu venu?
N'esquive pas la réponse, n'espère pas en te taisant
Cacher ton histoire aux peuple du Couchant.
Nous la connaissons, Cagot : la Bible raconte
Pourquoi de ton pays tu te trouve banni.
Tu voulais bâtir un temple à ton Seigneur,
Toi qui ne sais même pas achever une porcherie,
Tu ne sais rien faire et c'est avec raison
Que le grand roi Salomon te chasse du chantier.

De cette légende, écartons immédiatement l'accusation d'incapacité professionnelle portée contre les malheureux Cagots : elle est doublement absurde et calomnieuse. Comment les Cagots auraient-ils pu être cantonnés dans les métiers du bâtiment s'ils avaient été complètement inaptes? L'auteur du poème se contredit d'ailleurs lui-même puisqu'on lit quelques lignes plus loin :

C'est ici la grande cagoterie.
Tous sont des gens de métier
Qui font châteaux ouvragés,
La cocarde rouge au chapeau,
La patte palmée sur l'épaule.

[OEUVRES DE CAGOTS]

La vérité, c'est que la région pyrénéenne doit aux Cagots nombre de travaux architecturaux remarquables : ce sont qui fondèrent la ville de Cauterets, qui construisirent le quartier de Montaut à Toulouse et surtout qui édifièrent de nombreuses églises entre le VIIIème et le XIIème siècle, en particulier la très belle église abbatiale de Saint Savin près d'Argelès.
Cette accusation absurde est d'ailleurs tardive et n'apparaît qu'au XVIème siècle... c'est à dire, remarquons-le bien, exactement à l'époque où l'on commence à dénigrer l'art gothique.

[LE TEMPLE DE SALOMON...]

Ce qu'il faut retenir de la légende, c'est qu'elle fait des Cagot des descendants - fussent-ils maudits - des constructeurs du temple de Salomon. Car cette légende d'origine est une légende initiatique qui est aussi celle du Compagnonnage médiéval, lui-même père de la franc-maçonnerie spéculative.

[LES COMPAGNONS]

On désigne sous ce nom de Compagnonnage l'ensemble des associations clandestines de gens de métiers, au premier chef de bâtisseurs, qui se formèrent au XIIIème siècle à la fois pour défendre leurs intérêts professionnels contre l'organisation féodaliste du travail et pour assurer grâce à l'initiation la transmission des secrets de leur art. Malgré leur subdivisions en trois rites, l'ensemble de ces associations resta fédéré jusqu'au XVème siècle sous la dénomination commune de Devoir. Or les trois rites se réclamaient respectivement de trois fondateurs légendaires, Hiram, Maître Jacques et Soubisse, présentés comme les trois constructeurs du temple de Salomon.
Les membres du Devoir s'appelaient entre eux les Devoirants ou par un jeu de mots destiné à tenir secrète pour l'extérieur leur affiliation, "les Dévorants", épithète qu'ils symbolisaient, selon le degré d'initiation, par le renard, le loup et le chien. De la nécessité où se trouvaient les "Dévorants" de se tenir dans la pénombre nous est restée l'expression "entre chien et loup". Comme ils allaient de chantier en chantier loin de leur pays d'origine, ils s'appelaient aussi les Passants, ou encore les Estrangers, ce dernier terme faisant aussi allusion à l'étrangeté de leurs rites, de leur jargon et de leur ouvrages.
Les "Dévorants" adeptes d'Hiram, qui formaient le plus ancien des trois rites, se groupèrent ainsi sous le titre de Compagnons Estrangers du Devoir de Liberté. Ils se désignaient - et se désignent encore car ils existent toujours - sous le nom d'enfants de Salomon. Leur emblème était l'étoile à six branches appelée Sceau de Salomon et l'alphabet secret qu'ils utilisaient portait le nom de Pendule à Salomon. A l'exclusion de toute autres professions, ils groupaient les maîtres de l'OEuvre, charpentiers, tailleurs de pierre et imagiers (c'est-à-dire sculpteurs).

[DE LA PARENTE CAGOTS - COMPAGNONS]

Or un faisceau de faits concordants invite à penser que les Compagnons étaient les héritiers directs des Cagots, bâtisseurs comme eux mais avant eux.
Raison géographique d'abord : la région Pyrénéenne semble bien être le berceau du Compagnonnage et l'ensemble de l'Occitanie sa première ère d'expansion. A cet égard, la légende corporative est instructive : Elle vit naître Maître Jacques, l'un des trois patrons légendaires des Compagnons, dans un village pyrénéen nommé Carte et elle fait débarquer le second, Soubisse, de Jérusalem à Bordeaux, tandis que le troisième, Hiram, personnage issu de la Bible, serait mort assassiné sur le chantier du Temple de Salomon.
Non moins significative quant à l'origine géographique du Compagnonnage est la chanson de geste du XIIIème siècle intitulée Renaud de Montauban et dont le héros, un chevalier occitan, ayant fait le pèlerinage à Jérusalem, va s'embaucher sur le chantier d'une cathédrale où il meurt assassiné comme Hiram.

[COMPOSTELLE...]

D'autre part c'est précisément dans la région des Pyrénées où se trouvent les églises construites par les Cagots antérieurement au XIIème siècle qu'on trouve aussi la plus forte concentration d'églises construites par les "Devoirants" à partir du XIIème siècle. Et - fait important à noter car il nous faudra y revenir - les unes et les autres (Saint Savin, Luz Saint Sauveur, Gavarnie, Tramesaïques, Arreau, Aragnouet, Cadéac, etc.) sont situées sur le "chemin de Compostelle".

[JARGON langue des Jars...]

Mais les preuves les plus éloquentes de la filiation qui mène d'abord les Goths aux Cagots puis de la Cagoterie au Compagnonnage résident dans le jargon propre aux Compagnons.
Rappelons tout d'abord que ces derniers se désignent entre eux par des noms d'animaux. Par lui-même, ce fait porte déjà à penser que le Compagnonnage était l'héritier d'initiations de métiers beaucoup plus anciennes, surgies à l'époque où la société étant encore organisée en clans, chacun de ces clans avait un totem animal.

Mais les noms choisis sont plus significatifs : L'initié au premier grade est appelé "renard, l'initié au second grade "loup". Quant à celui qui au bout de cinq ans d'épreuve, ayant exécuté son "chef-d’œuvre", est initié au troisième grade, le nom qu'il porte est celui de "chien". Chien , comme le Cagots, "chiens de Goths".

[GAVOTS]

Mais il y a mieux encore : Les Compagnons initiés qui sont charpentiers de profession comme l'étaient les Cagots portent le nom de "gavots", c'est-à-dire le nom même qu'on donnait, sans trop savoir ce qu'il recouvrait au juste, aux Cagots.
(...) Expliquons-nous.
Les Gavots, ce sont en effet les hommes des gaves, des torrents montagnards des Pyrénées. Mais les gaves, parce que leurs eaux sont chantantes, tirent eux-mêmes leur nom du gave, c'est-à-dire du gosier des oiseaux. Les Gavots sont donc aussi les hommes qui parlent cette langue mystérieuse des initiés appelée "langue des oiseaux".

[LES SILURS ET LE LANGAGE DES OISEAUX]

(...) A ceux, donc qui se demandent ce qu'était à l'origine la "langue des oiseaux" apprenons que la solution de l'énigme se trouve précisément en plein pays de cagoterie.
Elle se trouve très exactement dans le département des Pyrénées Atlantiques, près des Eaux-Bonnes, dans un village que peuplèrent jadis des Cagots et porte le nom des anciens dieux Goths.
Ce village se nomme Aas.
C'est là que l'on peut encore rencontrer et entendre les derniers silurs.
Il n'y a plus à Aas que trente silurs. Dans quelques années, il n'en restera plus aucun.
Les silurs sont des bergers montagnards qui pratiquent la langue des oiseaux dans sa forme originelle : ils communiquent entre eux au moyen de sifflements modulés.
Chaque modulation du sifflement est une syllabe et l'ensemble de ces syllabes forment des phrases d'une langue complète. Cette langue, qui existe à Aas depuis des temps immémoriaux, est pour les silurs un moyen d'expression parfaitement naturel ; elle ne leur sert pas seulement à transmettre des messages élémentaires: tout ce qui peut être dit peut être sifflé par eux : ce n'est pas non plus une langue purement utilitaire : chaque silur à son style propre qu permet de le distinguer des autres.
"Le sifflet est bien plus difficile à apprendre que l'anglais", disent narquoisement les silurs. C'est vrai et cela présente bien des avantages. D'abord c'est une langue que l'on peut employer sans risque d'être compris par les indiscrets : c'est ainsi que les silurs d'Aas s'en servaient à l'époque de la Résistance, au nez et à la barbe des nazis et de leurs amis français. Ensuite, c'est la seule "langue téléphonique" du monde car elle permet de communiquer à une distance de 2, 5 kilomètres en plaine et de 14 kilomètres en montagne : Pour cela, il suffit de savoir sifflet en utilisant les doigts et la langue au lieu des lèvres.
Dans le monde entier, il n'existe pas de silurs ailleurs qu'à Aas, dans la petite île canarienne de Gomera et dans un village Turc de l'Asie Mineure.
La rareté et l'étrangeté de la langue sifflée a amené les savants à lui consacrer en 1959 un colloque international. Ce colloque a mis en évidence un fait assez extraordinaire : les sonogrammes des silurs sont identiques à ceux qui ont été réalisés sur les dauphins.
Les conclusions du colloque sont encore plus extraordinaires :
"La découverte de siffleurs en Asie Mineure après ceux des Pyrénées et des Canaries semble indiquer que les langues sifflées ont été jadis plus répandues à travers le monde qu'on ne le soupçonnait. Avec le chant des oiseaux et les manifestations acoustiques des dauphins, les sifflements humain sont peut-être les rameaux divergents d'un tronc commun très ancien, d'une sorte d'espéranto primitif et universel".

[LA LANGUE PRIMITIVE]

Il est très curieux de constater que ces conclusions scientifiques modernes rejoignent le vieux thème cher aux hermétistes d'une langue primitive commune à l'homme et aux animaux, et en particulier à l'homme et au dauphin, animal qui joue un rôle symbolique éminent dans la mythologie antique, dans l'alchimie et dans l'héraldique.
Rappelons aussi que le nom de silures est à la fois celui de la race de poissons vulgairement appelés poissons-chats et celui des anciens habitants du pays de Galles.
Rappelons enfin que les contes populaires de tous les pays du monde évoquent "le temps ou les bêtes parlaient". Bien entendu ce temps n'a pas pris fin puisque tous les animaux ont un langage; ce qui a pris fin, c'est seulement le temps où le langage animal était compris par l'homme car c'était aussi le sien.
La "langue des oiseaux" ne peut ni se lire ni s'écrire : c'est une langue purement phonétique, immédiatement accessible aux illettrés mais en même temps inaccessible au commun des mortels. C'est pourquoi, par analogie et par extension, les hermétistes ont baptisé "Langue des Oiseaux" ou "Cabale Phonétique" une langue sans écriture reposant à la fois sur la lecture phonétique de rébus et sur la connaissance d'un argot.
Cette langue d'initiés, c'est celle des armoiries qui se déchiffrent comme les rébus à condition de connaître l'argot héraldique. C'est aussi celle qui permet de déchiffrer les figures symboliques sculptées sur les cathédrales gothiques.
Et ce n'est pas par hasard....


INTRODUCTION A LA VISITE DU SITE D'ENSERUNE :

Ensérune est mentionné comme site appartenant à une "civilisation préromaine".
Que cela signifie-t-il?
Que cela sous-entend-t-il?

Les historiens, ont prit l'habitude de considérer l'histoire antique par rapport à l'histoire de Rome sous prétexte plus ou moins tendancieux que les Romains sont les promoteurs de la "première (grande) civilisation d'Europe".
Les Romains se considérant eux-mêmes comme le plus grand des peuples civilisés et en cela, par opposition, ils désignaient les autres peuples voisins, non romanisé, par l'appellation de "peuples barbares".
Sous l'effet d'une propagande destinée à masquer et justifier les excès commis par les romains envers ces peuples sur lesquels ils étendirent leur domination par la force brute ; le temps aidant, le terme de "barbare" qui qualifiait à l'origine un "non Romain", est devenu synonyme de "sauvage", de "non civilisé", de "peuples aux moeurs sanguinaires".

Essayons, maintenant, de voir ce qu'il en était vraiment.

La naissance d'Ensérune est datée dans une fourchette allant du VIII° au IV° siècle av J.-C.
A cette époque le Languedoc était occupé par des populations qui sont appelées, selon les auteurs des livres d'Histoire : populations Celto-Ligures, Celto-Ibères, Ibéro-Ligures.
La dénomination composée de ces populations indique que sur tout le territoire on trouvait un mélange de population autochtone (les ligures) et d'envahisseurs (les Celtes, les Ibères) qui s'étaient plus ou moins intégrés aux premiers habitants de ces lieux.

Qui étaient les Ligures ? :

Il semble que les Ligures (peuple du dieu Lug) soient le premier peuple (ou confédération de peuples unis par une même langue ou par un même culte), occupant les territoires de l'Europe de l'Ouest, entre les Alpes, la rive Gauche du Rhin et l'Atlantique, en y incluant aussi les Iles Britanniques.
Les première mentions relatives à ce peuple se trouvent, dans la Mythologie Grecque.
En effet, dans le récit des 12 travaux d'Héraklès (d'Hercules), dans l'épisode où Héraklès doit aller chercher les "Pommes d'Or" dans le "Jardin des Hespérides", les Ligures du bassin du Rhône voulurent s'opposer au passage des armées Hérakléennes (ceci a du sans doute être la "Première Grande Bataille de l'Histoire").
A noter que le "Golfe du Lion" est une ancienne "Mer Ligustique".
A noter aussi que près d'Ensérune existe une antique voie de pénétration nommée "Voie Hérakléenne", dans son tracé, celle-ci est souvent confondue ou parallèle à la "Via Dominicia"...
A noter encore que les premières traces Archéologiques remonteraient de 5000 à 3000 ans av J.-C. et à ce titre ils seraient contemporains des ensembles mégalithiques.

Les Ibères :

Il n' y a pas plus contesté que l'origine des Ibères ; tantôt, pour les uns, les Ibères sont le peuple autochtone de la péninsule Ibérique (l'Espagne et le Portugal), tantôt pour les autres les Ibères sont une tribu Celte occupant la péninsule au même titre que les Galates (Gaulois) dans les Asturies (Nord Ouest de l'Espagne), pour d'autres encore, les Ibères auraient une origine bien plus mystérieuse, ceux ci les faisant venir "d'au-delà de la Mer" et étant contemporains de la "civilisation de Tartessos" (région de Cadix, Sud Ouest de l'Andalousie).
Une des plus grandes énigmes qu'ils nous ont laissé est leur système d'écriture qui jusqu'à ce jour n'a pu être déchiffré.
A noter que l'alphabet Ibère ressemble beaucoup à l'alphabet découvert sur le site néolithique de Glozel (Allier, près de Vichy). Cet alphabet a aussi des points communs avec les alphabets phénicien, grec, gothique,de la "Stèle de Hiram"et du "Pendule à Salomon" ou "Alphabet Compagnonique."


Les Celtes :

L' apparition des Celtes au V° Siècle Av J.C, coïncide avec les premières manifestations, en Europe, d'une civilisation de l'Age de Fer (Civilisation de la Tène, Suisse).
Au V° siècle Av J.C. Hérodote et Hécatée de Milet emploient pour la première fois le nom de Celtes pour désigner les peuplades de l'Europe Atlantique et Septentrionale, appelées jusque-là Hyperboréens...
En 279 av J.-C. les Celtes qui viennent, sous le commandement de Brennos, s'attaquer à Delphes sont qualifiés de Galates. Ce terme désignera d'abord les Celtes d'Europe Orientale et d'Asie Mineure. Plus tard, l'historien Polype l'appliquera aussi aux Celtes Cisalpins et Transalpins.
Il faudra attendre 168 av J.-C. et les "Origines" de l'auteur romain Caton l'Ancien, pour voir apparaître enfin le mot "Gaulois" sous sa forme latine "Galli". Il s'applique aux habitants d'un territoire bien déterminé : La Gaule. Laquelle comprend l'Italie du Nord (Gaule Cisalpine et le pays à l'Ouest des Alpes (Gaule Transalpine).
Si les Celtes occupent l'espace géographique qui va de l'Atlantique à la Mer Noire, les Gaulois sont des peuples établis sur un domaine correspondant actuellement à la France, la Belgique, la Suisse, et L'Italie du Nord. Incontestablement, les Gaulois sont des Celtes, mais tous les Celtes ne sont pas des Gaulois.


La Gaule et les Gaulois :

Aspect géophysique de la Gaule :

La Gaule était recouverte d'une immense forêt, les côtes entrecoupées de vastes marais.
Les fôrets étaient habitées par de nombreuses divinités : Esus le dieu barbu, Robus le dieu chêne (robuste), Abellio (abeille) le dieu pommier, Eburo le dieu if (les Eburons, les hommes de l'if, peuplade gauloise), Arduinna la déesse sanglier des Ardennes, Vosagus le dieu des Vosges, Cernunnos le dieu cerf...
Les romains détestaient les forêts gauloises et les contournaient volontiers. On raconte que César, ayant voulu faire couper du bois dans la forêt de la Sainte Beaume (Forêt sacrée près de Marseille), se heurta au refus de ses charpentiers. Ceux-ci étaient terrifiés à l'idée de pénétrer dans un lieu aussi redoutable. Il fallu que le proconsul prît lui même la hache pour leur montrer combien pareille crainte était absurde.
Le climat gaulois était sensiblement le même que le nôtre, mais du fait de l'existence de grandes forêts et vastes marécages, l'humidité était cependant plus importante.

Un sous-sol riche :

La Gaule connaît une grande prospérité à l'Age de Fer, car elle n'était tributaire des autres pays pour l'obtention des matières premières.
Les mines de fer étaient nombreuses dans le Berry, le Périgord, Les Pyrénées. Les forêts fournissaient généreusement le charbon de bois nécessaire à la métallurgie.
L'étain se trouvait en Armorique, en Haute-Vienne et dans la Creuse.
Le cuivre était localisé dans les Pyrénées.
L'argent était rare (Rouergue, Gévaudan). Mais l'or passait pour être abondant (Alpes, Pyrénées, Cevennes, Auvergne).

Aspect de la civilisation Gauloise :

Une agriculture prospère.

Dès l'époque néolithique, les population prégauloises ont commencé à semer et à récolter dans les clairières des forêts.
La partie cultivable du terroir connaît, dans le Nord-Ouest les champs fermés (clôtures de haies ou d'arbrisseaux), et ailleurs des champs ouverts. En général on pratique le système de rotation triennal (froment, friche, légumineuses) pour ménager la fertilité du sol. Mais on enrichit aussi le sol par le marnage, le chaulage, et l'apport de terreau.
Les instruments sont multiples : araires à soc fixe, charrues à roues, machines à faucher et même des moissonneuses à dents de fer.
Les céréales (blé, épeautre, seigle, avoine, orge) occupent une place importante. Plus tard, la Gaule deviendra l'un des greniers à blé de Rome. La vigne et l'olivier sont des cultures méditerranéennes. La cervoise (bière fabriquée à partir de l'orge) est une boisson très prisée dans toutes les régions.
L'élevage vient ensuite. Il est pratiqué sur une grande échelle en ce qui concerne les chevaux. Les moutons (Flandre, Alpes), les vaches laitières (Alpes), les porcs et les oies (Flandres) ne sont pas pour autant négligés.
Pline nous relate que les fruits (pommes, pêches, cerises) sont abondants en Gaule. Par ailleurs, la cueillette des plantes médicinales alimente la pharmacopée dont se servent les ovates.
Des forêts, on tire le bois (utilisé dans la construction des maisons), la résine, l'huile de cèdre, les baies, les champignons, les châtaignes, les glands des chênes (pour les porcs).
Comme la Gaule abonde en gibier de poils ou de plumes, la chasse fournit ainsi que la pêche, une quantité importante de substances alimentaires. Mais déjà, on se livre à la chasse pour le plaisir. Pour ce faire, on sélectionne des races canines.
L'agriculture a donné naissance à des activités annexes comme le tonnellerie, la charcuterie (Cerdagne, Flandre, comtat Venaissin, Franche Comté) et la fabrication de l'hydromel à partir du miel des abeilles.


Arts et métiers florissants :

Les auteurs antiques concèdent aux Gaulois une certaine ingéniosité et une habileté manuelle remarquable. César en convient aisément dans la "Guerre des Gaules", à l'occasion du siège d'Avaricum :" A la valeur exceptionnelle de nos soldats, les Gaulois opposaient toutes sortes d'inventions. C'est une race en effet, d'une très grande ingéniosité et très apte à imiter et à réaliser tout ce qu'on lui montre. Ainsi à l'aide de lacets, ils détournaient nos faux. Lorsqu'ils les avaient accrochés, ils les tiraient avec des machines, à l'intérieur. Ils faisaient écrouler notre terrasse, en la sapant avec d'autant plus d'habileté qu'ils ont chez eux de grandes mines de fer et qu'ils connaissent donc tous les genres de galeries souterraines".
La fabrication des armes (épées, javelots, piques, arcs) et des équipements militaires (casques d'airain, cottes de mailles) occupe une place de choix.
Le travail de la forge est complété par la ciselure, la dorure, l'étamage.
On dit parfois que les épées gauloises étaient de mauvaise qualité pour avoir trouvé fréquemment, dans les tombes, des épées pliées en deux. Mais il s'agissait là d'un rite funéraire : un guerrier mort était enterré avec son épée que l'on pliait alors à chaud, cela pour que nul puisse s'en servir après son incursion dans l'au-delà.
Le travail du bronze fournit les objets de cuisine (couteaux, chaudrons), agricoles (faucilles), et de toilette (ciseaux, rasoir, épingles, fibules, colliers).
Avec les métaux précieux, on confectionne des casques d'apparat, des bracelets, des boucliers. Le roi Bituit possédait un char d'argent.
Le bois est le matériau utilisé dans la charpente, le charronnage, la boissellerie, la tonnellerie et dans les chars de guerre ( "reda" à quatre roues, "essedum" à deux roues, "betorrium" à quatre roues). En revanche les meubles sont rares, si on excepte des tables basses et des sièges en roseau.
Signalons encore que les gaulois excellaient aussi dans la verrerie, la céramique, la poterie dont les produits sont exportés en Germanie, en Angleterre et en Italie.
Le tissage de la laine et la fabrication de colorants végétaux donnent des tissus chatoyants à partir desquels on confectionne des braies, des tuniques, et des saies.
Le cuir est utilisé pour la cordonnerie, la sellerie, les harnachements et les voiles de navires.
Le savon est obtenu à partir de la potasse extraite de la cendre végétale, mélangée à du suif.
Si on ne peut parler d'une industrie gauloise, il n'en est pas moins vrai que nous sommes en présence d'un artisanat de qualité couvrant les besoins du pays et destiné à l'exportation en Europe.

Un commerce actif :

Par sa situation géographique, la Gaule constitue le lieu de passage des voies commerciales reliant le bassin Méditerranéen aux îles Britanniques. Ces voies sont d'abord des voies fluviales (Rhône, Seine, Loire, Garonne) avec les ports de Paris, Melun, Orléans , Saumur, Nantes, Pont Saint Esprit (Rhône). Ce sont des routes terrestres bien entretenues. Durant la Guerre Des Gaules, les légionnaires romains mirent une seule journée pour parcourir les 45 Km séparant Reims de Soissons, c'est la preuve qu'une excellente route reliait les deux villes. La variété des noms des moyens de transport prouve que les voies gauloises sont très fréquentées. Les principaux ports de mer sont Boulogne, Rouen, Honfleur, Nantes, Bordeaux, Marseille.
A l'exportation , la Gaule envoie du blé, des lainages, du bétail, des produits artisanaux. A l'importation la Gaule achète du vin et des bijoux.
A l'intérieur, Bourges, Orléans, Lyon , Genève , Nîmes, Toulouse, Bordeaux, Saintes, Poitiers constituent les principaux centres commerciaux auxquels il faut ajouter les foires d'Angers, de Rouen , et de Tournus.
Le troc n'est plus le procédé d'échange. Au contact des Grecs de Phocée, les Gaulois ont perçu la commodité de la monnaie. Ils n'ont pas tardé à imiter les pièces grecques (IV° siècle), puis romaines (II° siècle).


La civilisation des oppidas :

Une civilisation à prédominance rurale :

Contrairement à une idée répandue, il existe des villes en Gaule. Les places fortifiées ou "oppida" sont aussi appelées "urbes" (villes) par César. Elles se présentent sous forme de localités, entourées de remparts, hébergeant une population stable. Outre leur rôle militaire, ce sont aussi des centres artisanaux et commerciaux. Mais nous remarquerons néanmoins que la majorité de la population vit dans les campagnes.
Sous le stylet des auteurs antiques, celles-ci nous apparaissent très vivantes. L'habitat y est soit dispersé en ferme isolée et en hameaux, soit groupé en villages, appelés "vici" par César. Ces villages sont nombreux : au moment de leur migration, les 263000 Helvètes, installés dans la plaine suisse, entre le Rhin et le Jura, vivent dans 12 "oppida" et 400 "vici".
Strabon écrit : "Les maisons des Gaulois, bâties en planches et en claie d'osier, sont spacieuses et ont la forme de rotondes ; une épaisse toiture de chaume les recouvre". Il existe cependant des maisons en pierre.

Les oppidas :

Un oppidum désigne tantôt une ville, tantôt un refuge. Parfois aussi le terme désigne à la fois un refuge, une ville, une place forte, et une bourgade. Il se peut que certaines oppida aient eu une fonction mixte, les habitants occupaient une petite partie du plateau support, le reste servant à accueillir, en cas de conflit, les gens de la contrée voisine.
Les oppidas affectionnent les endroits élevés : collines, éperon rocheux, dont ils épousent volontiers les configurations. Dans les pays plats, ils cèdent la place aux souterrains-refuges.
La qualité d'oppida mixte (à la fois cité et refuge) est soit un indice de fraternité, soit un indice de puissance. Fraternité envers les gens de la plaine menacés par un ennemi. Puissance des gens de l'oppidum enclins à user de leur position privilégiée (protoféodalité).

Alésia, la plus célèbre des oppidas.

César reconnaît Alésia (région d'Auxerre, Mont Auxois, Côte d'Or) en tant que place forte Mandubienne.
Dans sa "Guerre des Gaules", il la cite en tant qu'"oppidum Mandubarium", c'est à dire aire d'occupation permanente et fortifiée (d'après César lui-même, il était impossible de la prendre, autrement que par un siège en règle).

LES MYSTERES DE L’AGRICULTURE
(D'après Louis Charpentier : " Les Géants et le Mystère des Origines ", Editions " J'ai lu", pages 86 à 94).

(...) En ce qui concerne la culture le mystère est plus grand encore...
Sur le papier, c'est très simple et les spécialistes l'ont résolu sans difficulté, par le " brûlis ". Voilà : on brûle un coin de forêt; sur cet emplacement poussent des graminées, on en sélectionne les graines que l'on replante les années suivantes dans un autre " brûlis " ; la qualité du grain s'améliorant d'année en année on finit par récolter des céréales. Et l'on se retrouve avec des avoines, des orges, des millets, des blés, des maïs...
Il faudra, quelque jour, demander à nos agronomes d'essayer cela et, bien entendu, avec leurs mains nues et un camion de morceaux de silex - et tout en assurant leur subsistance par les moyens du bord.
Impossible ? Qu'à cela ne tienne! On fera donc opérer cette sélection à long terme en des lieux sans forêts, où la terre est " limon " par suite d'inondations annuelles, comme en Egypte et comme ce dut être en Mésopotamie. Et il est vrai que, lorsque l'on eut quelque chose à cultiver, c'est certainement en ces lieux que la réussite fut la plus grande.
Quant à passer de l'herbe à la céréale, c'est autre chose. Là comme avec les animaux, il faut obtenir une mutation, il faut changer le " génie " de la plante.
Sans doute a-t-on retrouvé la plupart des espèces sauvages qui furent à l'origine de cette mutation, mais personne ne sait comment elle fut opérée. Et je suis convaincu qu'aucun agronome moderne, avec, pourtant, des champs millénairement préparés pour la culture, ne sauraient la réaliser.

[ Nous avons l'orge, nous avons le maïs, nous avons l'avoine, et il est strictement impossible que l'homme préhistorique, tel que l'on nous le décrit, n'ait jamais pu les " construire "...
Cela ne se fait point en pourchassant l'aurochs dans les bégonias sauvages. En admettant qu'une telle mutation ait pu s'obtenir par une lente transformation, une lente sélection, encore eut-il fallu d'abord créer le moyen de cette sélection : les champs. Donc, il eût fallu que l'homme fût cultivateur avant d'avoir quelque chose à cultiver et moins qu'il eût été prophète, avant de savoir même ce qu'il aurait un jour à cultiver.
Et le blé? D'où vient-il don, ce blé?
La trouvaille dernière, en Asie, d'un triticum dit sauvage est venue libérer d'un gros poids d'irrationalisme les préhistoriens. Et s'il est vrai que ce triticum est réellement du blé sauvage (on l'a découvert bien tard !) et non du blé dégénéré, on se demande par quelle opération de leur esprit ceux qui entreprirent de le rendre " blé ", froment, savaient, d'une part, ce qu'ils
obtiendraient en le sélectionnant et d'autre part, comment ils le sélectionneraient.

On oublie trop que la culture est une des sciences les plus " difficiles " du monde et que " faire le blé " a été un tour de force qui postulait une connaissance de la nature, du sol et des plantes qui ne peut être le fait que de gens extrêmement savants...
Là encore, il a fallu que cela soit " donné " à nos ancêtres de la préhistoire ou de la protohistoire, qu'ils aient été d'Orient ou d'Occident.
Cela est si évident que tous les légendaires, d'où qu'ils soient, donnent toujours l'agriculture comme ayant été enseignée aux hommes par des Dieux. Dire que la culture, le blé, les céréales nous sont venues d'Orient, ce n'est pas répondre à la question mais la déplacer géographiquement.
En fait - et obligatoirement - il y a à la base de l'élevage et de l'agriculture, une civilisation savante, très savante, créée par des êtres exceptionnels ayant percé, de sorte ou d'autre, les secrets de la nature et les lois de celle-ci.

Chercher quels furent ces créateurs est utopique, mais non point chercher les " transmetteurs ".
Et les transmetteurs, eux, ne sont qu'à demi-légendaires. De même qu'il voulait s'emparer des produits de l'élevage de Géryon, c'est bien pour se procurer des produits de culture qu'Hercule s'en allait vers le Jardin des Hespérides. C'est bien un jardin, non pas une forêt, non pas une savane que garde Antée et que possèdent les Hespérides...
Tout protogrec qu'il est, Hercule n'est encore qu'un barbare qui chasse à l'arc et à la massue, qui ne cultive ni n'élève. C'est chez les Atlantes du Maroc ou d'au-delà qu'il va chercher cette initiation.
[ Et quand Platon, d'après les récits du prêtre de Saïs, énumère les ressources Atlantes, il indique bien que : " L'île nourrissait en suffisance tous les animaux domestiques et sauvages " et " elle donnait encore et les fruits cultivés et les graines qui ont été faites pour nourrir et dont nous tirons les farines (nous en nommons céréales les diverses variétés) ".
Pour Dacqué, il est net que ces Hespéridiens ont dû être une race d'hommes plus ancienne et de civilisation plus mûre que la race d'où Héraklès sortit pour aller à eux. Ils avaient encore en leur possession des choses qui étaient probablement la conquête d'un savoir étendu et de beaucoup d'industrie. Parmi ces choses étaient les céréales et des races améliorées de fruits ".

LIGURES ET CELTES :
(D'après Louis Charpentier : "Les Géants et le Mystère des Origines", Editions "J'ai lu", pages 44 à 51).

On ne peut être certain que le mot "Ligures représente une ethnie, une ethnie qui aurait peuplé tout l'Occident, ce qui semble improbable. On peur admettre qu'il s'agit de peuples divers mais parlant des langues proches, à tendances agglutinantes, comme le basque, et dont il ne nous reste que quelques racines, probablement passées en plus grand nombre qu'on ne l'imagine dans les langues qui leur ont succédé.
Si l'âge que l'on attribue généralement au dolmens est exact, ce sont ces Ligures qu'il faut considérer comme leurs constructeurs (ce qui ne veut pas dire leurs concepteurs). Ce sont des "néolithiques" et ils semblent avoir persisté surtout au sud de la Loire.
Aux temps historiques; on les trouve en Espagne près de Tartessos où existait un lac Ligustique; au Portugal, en Galice, dans les Pyrénées, en Provence - où existe toujours un "Bois des Ligoures". Le Golfe du Lion fut une "Mer Ligustique". Jullian les donne comme ayant occupé également l'Europe du Nord jusque sur les bords de la baltique et des Iles Britanniques.
Malgré les apports celtes, ibères et autres, c'est encore une ethnie que l'on considère comme à base ligure qui domine dans le Midi de la France...
En tout état de cause, et quel qu'ait pu être un certain apport méditerranéen, ce sont bien ces Ligures qui dominent tout le Midi européen à l'époque à laquelle la légende assigne l'apparition de Maître Jacques, ce tailleur de pierre qui aurait participé à la construction du temple de Jérusalem, le premier, celui de Salomon.
C'est une légende, mais le fait n'est pas suffisant pour qu'elle doive être rejetée en bloc, a priori. Les légendes ne naissent pas de rien.
C'est une légende de tailleur de pierre, peut être arrangée postérieurement par un lecteur de la Bible.
Le fait positif, qui me semble corroboré par ailleurs, se trouve dans les rapports ayant existé entre les "artisans" ligures et les Phéniciens.
(...) Les Phéniciens et les constructeurs d'Occident ont des rapports légendaires.
Les Phéniciens prennent terre en des lieux marqués dès la plus haute Antiquité, dès les débuts néolithiques comme aboutissements de chemins initiatiques sur lesquels des hommes deviennent "savants" : Jakin en basque.
Légendairement, les Phéniciens travaillent, avec des ouvriers du bâtiment qui sont les Jacques (ou des Jakinak) venus d'Occident.
La même marque du pied de l'oie se retrouve chez ces Occidentaux et chez les Phéniciens, "pieds de canards".
Voilà, entre autres plus subtiles, les "données" du réseau.
Quant au point de jonction, il se situe où se trouve précisément cette accumulation de signes devant lesquels les plus savants archéologues perdent "leur latin", c'est à dire au bout du chemin des Etoiles, dans les rias de la Galice où l'un des pères Noé des légendes vint atterrir, domestiquer bêtes et planter vigne.
Il faut bien convenir que tout cela n'est pas le fait du hasard. Pas plus que l'identité des monuments dolméniques dans le monde ; pas plus que l'identité du labyrinthe, pas plus que l'identité des signes pétroglyphiques ou alphabétiques.
Ce n'est pas le fait du hasard, ce ne pourrait être que difficilement autre qu'un fait de transmission, il faut donc qu'il y ait, à tous ces phénomènes qui se recoupent et se rejoignent, une origine commune.
Et pour autant que nous puissions savoir, cette origine commune est, pour l'occident et la Méditerranée, atlantique.
Pour ne pas dire Atlante.

Ce sont les Celtes qui ont donné leur nom à la Galice; des Celtes Gaëls, ceux que nous connaissons sous le nom de Gaulois.
Les dates de leur apparition à l'extrême pointe de la péninsule Ibérique sont sujettes à discussion. On admet cependant de façon générale que leur arrivée eut lieu vers le Vème siècle av. J. C. à une centaine d'année près, en moins ou en plus, soit environ 1000 ans après leur venue en Gaule.
On admet qu'ils sont issus d'Asie centrale et le plus spécialement des hauts plateaux de l'Iran, d'où le nom général d'Aryens donné aux peuples de même origine parlant des dialectes indo-européens.
Des départ successifs de cette Asie centrale auraient donné les souches des Ioniens, des Doriens, des celtes, des Germains, des Slaves...
Les branches dites celtiques auraient fait un plus ou moins long stage en Europe centrale et certaines souches ont d'ailleurs persisté dans les régions balkaniques.
En Extrême-Occident, ils semblent avoir été notablement moins civilisés que les peuples qu'ils ont envahi et avec lesquels ils se sont mélangés, mais ont admet généralement que ce furent eux qui apportèrent le fer vers 800 av. J.-C... Du moins le fer fait-il avec eux, son apparition publique en Occident.
En Gaule ils s'organisent - ou on les organise - en fédérations en utilisant généralement l'abornement constitué par les concentrations mégalithiques qu'ils ont trouvé sur le sol.
En effet, les points de jonction entre les peuples celtes - ils vont généralement par quatre - sont marqués de mégalithes ou de dolmens qui leur sont bien antérieur, et l'on peut se demander si cette "invasion" a été telle qu'on a tendance à se l'imaginer, c'est à dire une ruée barbare d'occupants qui veulent s'installer... Ou bien s'il s'est agi d'une "répartition" d'hommes appelés pour peupler des régions sous-habitées; des peuples dirigés comme un apiculteur répartit les jeunes essaims dans des ruches vides.
On pense évidemment aux Druides qui furent les conducteurs des peuples celtes d'Occident...
Mais il est étonnant que l'on parle de ces Druides que dans les régions d'Extrême-Occident; or les Celtes ont séjourné en Europe balkanique et des souches y sont demeurées. Au temps de Rome, ces régions n'étaient pas germanisées et cependant nulle mention n'est faite de "Druides" par les auteurs latins ... Et pourtant ceux-ci étaient fort attentifs aux "Barbares" susceptibles de menacer Rome...
On peut se demander si l'institution druidique n'est pas antérieure à la venue des Celtes en Gaule et dans les Iles Britanniques. Le mot "Druides" est certes celtique, mais il n'est sans doute qu'une traduction d'un antérieur "savant" ou "voyant". En pays de Provence, resté surtout Ligure, on les appelait: "Mages".
La légende irlandaise les fait descendre de la tribu des "Dé Danan" (Tuata dé Danan), tribu de la Déesse Mère, magiciens qui seraient venus en Irlande avant les Fomoré et avant les Milésiens... Et - le détail est capital - Apollodore précise que l'on donnait le nom de Danaens aux Argiens, les gens de l'Argo : des Pélasges. Ce n'est pas un nom propre, c'est un qualificatif qui semble avoir quelque lien avec le verbe grec : dao, enseigner. Et les Druides sont des "enseignants"...
Les Pélasges étaient des peuples qui venaient de la mer, de la mer occidentale, de l'Antlantique; et une autre tradition irlandaise veut que les premiers Druides d'Irlande soient venus d'Espagne...

Les Gaëls, installés en Extrême-Occident et répartis fort intelligemment, vont, comme on le sait, entreprendre des expéditions entre les Vèmes et IIIèmes siècles avant notre ère... vers la Galice, vers Rome ou vers l'Orient. Et il se produit encore un fait extraordinaire : ces expéditions (à part celle vers Rome, et encore, Rome est bien proche d'Albe et de l'Etrurie) ont lieu vers les lieux initiatiques traditionnels : la Galice - ou du moins ce qui deviendra la Galice - Delphes et le Caucase où ils fondèrent la Galacie.
Trésors convoités? sans doute. Mais s'agit-il bien de trésors "monétaires"? Pour autant que l'on sache, l'or n'était pas rare en Gaule et il semble que les Gaulois n'en faisaient pas un cas extraordinaire, le livrant volontiers aux dieux des lacs et des étangs. N'est ce pas plûtot les bases de cette science traditionnelle qu'ils veulent aller cueillir aux sources pour retrouver ce qui peu à peu, se perd dans sa pureté originelle?... Que les druides voulent retrouver, sachant où le trouver?
La première expédition est dirigée vers ce qui deviendra la Galice, le "finistère" d'Ibérie. Elle a lieu vers la Vème siècle av. J.-C... Et elle emprunte l'actuel chemin de Saint Jacques. On peut encore suivre ses traces car elle a fait souche dans les pays traversés.
Les Gaëls passent par le Somport ou l'un des petits cols qui l'entourent et ils laissent leur nom à une rivière : le rio Gallego...Ils laissent également leur nom à Briones, les Brions, ou Bérones, semblant être une sous tribu des Bituriges ( et il existe encore un Brion près d'Issoudun).
Il semble aussi que Burgos ait quelque rapport avec ces mêmes Bituriges et, bien que Lug soit un dieu antérieur aux Celtes, c'est probablement eux qui en feront Léon et les monts du Léon.
On les retrouve surtout en Galice, normalement : un groupe
celte à Lugo qui a une déesse Poemena; des Ambrones à Amboa qui est devenue La Corogne; des Tongres au sud de Tras os Montès; des Eburones à Ebora, sur le Tambre, près de Saint Jacques...
Vers cette époque venait de se produire en cette partie de l'extrême ouest une explosion culturelle pré-celtique, que l'on date du bronze final et qui se révèle par une très grande activité des exploitations des minerais aurifères et stamifères et un très grand développement des contacts maritimes avec l'Occident Nord -Atlantique.
Il est assez étonnant de retrouver des Albiones entre la Navia et l'Eo et des Osismii, comme au bout du Finistère armoricain. Les auteurs espagnols qui ont étudié la question de fort près pensent généralement que ce sont là des dénominations datant d'avant les Celtes; de même le pensent-ils également des Sèfes que l'on a souvent considérés, sans doute à tort, comme purement celtes mais qui seraient constitués en majorité par le fond autochtone, ceux qui livrèrent aux Celtes nouveaux venus les secrets de la pierre.
En effet, il n'apparaît pas que les Celtes aient été originellement des "gens de la pierre". On ne retrouve pas chez eux avant la venue des Romains de travail de la pierre; non plus d'ailleurs que chez les cousins "germains". Les gordies dites celtiques qui restent dans la Midi de la France sont nettement ligures. Pratiquement, on ne verra apparaître le monument de pierre celtique qu'au temps de la domination de Rome et de ses architectes; par contre, ce sont d'excellents charpentiers; les ouvrages de charpente laissés par eux dans les "cités lacustres" le prouvent abondamment.
Or, c'est avant Rome qu'apparaît le travail dit celtique de la pierre en Galice. Les plus remarquables spécimens sont actuellement au musée de Guimarhaes en Galice portugaise.
A noter que l'on retrouve, de temps à autre, des têtes sans bouche qui paraissent représenter, non des têtes sans vie, mais des têtes à la bouche cousue, des têtes conservant un secret. Le sens hermétique en est certain.
Ce sont ces mêmes têtes muettes retrouvées à Glozel... et en d'autres lieux que nombre de savants s'obstinent à considérer comme "funéraires" parce que sans souffle; cependant les yeux grands ouverts et bien vivant eussent dû les détromper.
Il se trouve donc que vers le Vème siècle av. J.-C. les Celtes gaëliques ont pris possession, en Occident, des trois chemins de pèlerinage vers l'ouest, avant la venue de la seconde vague de Celtes kimriques (Belges et Bretons) qui sera elle, une véritable invasion destructrice.
On sait, par les études de Dontenville, que le pèlerinage armoricain existait encore aux temps celtiques. On peut en déduire qu'il en était de même pour ceux de Grande Bretagne et évidemment, de Galice; ce dernier étant par le nature même des populations méridionales, plus ligure que celte.
C'est une reprise - ou une continuation - volontaire, préparée, organisée, des pèlerinages néolithiques et le but civilisateur m'apparaît évident.

(D'après Louis Charpentier : "Les Jacques et le Mystère de Compostelle", Editions "J'ai lu", pages 91 à 100).


Hercule, en Occident, rencontre deux adversaires : des géants et des Ligures.
Les renseignements sur les géants sont fragmentaires mais les Ligures, eux sont connus. Jullian les a décrits comme s'il les avait sous les yeux. A vrai dire, ceux qu'il décrit sont de quelques millénaires postérieurs à ceux qu'Hercule combattit. Ce sont les habitants de la Ligurie, c'est à dire toute cette partie de terre qui entoure le Golfe du Lion, de la Provence à la Catalogne.
Si l'on suit la légende, ils sont déjà là avant le cataclysme. Ce sont donc des hommes du néolithique qui "dureront" jusqu'à leur envahissement par les Celtes. Ce n'est pas une certitude mais une hypothèse qui en vaut bien une autre et, au reste, après les bouleversements, il ne devait exister qu'assez peu d'humanité sur la terre et certainement pas de hordes suffisantes pour des "envahissements". Au moins pendant fort longtemps.
Ceux que décrit Jullian, il semble bien que ce soient les restes des tribus repoussées par les Celtes vers le midi, environ quinze cents ans avant notre ère, mais le terrain primitif qu'il leur assigne est bien plus étendu que ces quelques provinces méridionales.
"Les anciens explorateurs, écrit-il, venus du Sud ou de l'Est, de Cadix ou de Phocée, n'employèrent jamais que le mot de Ligure pour désigner tous les habitants de la contrée gauloise. Ils le donnèrent également aux tribus du littoral de la Provence, aux indigènes du basin du Rhône, aux peuples de la plaine de Narbonne. C'étaient aussi des Ligures, disait-on, qui habitaient le long du grand golfe de l'Atlantique; et on appliqua ce nom aux peuplades plus lointaines encore, qui erraient sur les rives et dans les forêts de la Mer du Nord. Même à l'époque de César, on se souvenait encore dans le monde gréco-romain des temps reculés où le nom de Ligures s'était étendu sans partage sur la Gaule entière".
D'Arbois de Jubainville les situait également à l'extême Occident, au lieu d'origine de l'ambre, la Baltique, et également en "Alebion", c'est à dire dans les îles Britanniques.
Si - toujours selon Jullian - ces hommes ne se ressemblaient pas tous, ils avaient cependant un élément d'unité que cet auteur voit surtout dans la langue; et ces hommes de même langue, qui sont ou ne sont pas de même ethnie, ils couvrent l'Occident :
"En Italie, en Espagne, dans les plaines et les montagnes de Germanie, dans les îles de la Méditerranée et dans celles de l'Océan, ils ont, aussi bien qu'en Gaule, laissé comme vestiges des noms de cours d'eau et des noms de montagnes. L'Espagne et la Grande-Bretagne ont leurs "Dives", homonymes de ruisseaux français; le "Douro" est le même mot que les "Doires" italiennes; la Seine française, Sequana, a signifié la même chose que la Jucar au sud des Pyrénées. Le sol de l'Irlande et celui de la grande île voisine sont pourvus de mots qui viennent de la langue ligure : elle était, je crois, celle de ces groupes d'indigènes "nés dans l'île" bretonne, que les Gaulois refoulèrent vers l'intérieur et que César connut encore...
"Les Anciens eux-mêmes avaient maintenu la notion très précise d'une période où les Ligures occupaient tout l'Occident... La Corse leur avait appartenu. On les faisait descendre jusqu'en Sicile, et on parlait sans cesse d'eux en Espagne. Leurs traces se retrouvaient encore non loin de Cadix, et les marécages que traversaient les eaux du Guadalquivir s'appelèrent jadis le "Lac Ligure".
En prenant leurs terres aux Ligures, dit encore Jullian, les gaulois en acceptèrent à la fois les moissons, les terres et les dieux; et, après eux, ni les Romains, ni les Barbares, ni les Chrétiens, n'extirperont jamais de leurs domaines, trente à quarante fois séculaires, les Génies des montagnes et des fontaines, les esprits protecteurs des lieux (Jullian : Histoire de la Gaule, Hachette ed).

Il n'est pas aisé de se représenter ce qu'étaient ces Ligures au temps anté-gaulois, au temps, par exemple, où Hercule les défit sur son passage. Nous n'avons plus, sur eux, que des témoignages des anciens aux abords de l'ère chrétienne et seulement sur ceux qui vivaient au bord de cette "mer Ligure" devenue, en gardant d'ailleurs son nom, le golfe du Lion. Et à ce moment, il y a déjà au moins un millénaire et demi que les Goïdels, que nous appelons maintenant Gaulois, les ont envahis, et se sont mélangés à eux.
D'après Jullian, toujours, qui a étudié ces témoignages, ils étaient plutôt petits mais très solides et possédant des membres d'une incroyable élasticité. "La fatigue n'abattait jamais le Ligure... Comme force, il valait dit-on, les grands animaux sauvages. On les disait d'invincibles piétons et, dans la marche et dans la course, en ténacité et en vitesse, les Ligures n'eurent point de rivaux dans les pays méditerranéens.
"Il furent, les plus habiles des chasseurs dans le genre de tir qui est le plus délicat et qui exige le plus l'une et l'autre qualité physique : le tir à la fronde. Que des oiseaux passent devant un groupe de frondeurs ligures, chaque fronde choisira sa victime, et aucun coup ne manquera (D'après Timée, répété par Eustache)".
(Notons que dans sa description de l'armée atlante Platon donne une large place aux frondeurs... Et ce tir était parfaitement étranger aux Grecs).
"Les Anciens les disaient voleurs et pillards, fertiles en inventions et en tromperies, bandits très cruels et très hardis, voleurs de bestiaux, tueurs d'étrangers, et peut-être mangeurs de chair humaine. (Il ne faut pas oublier que les auteurs de ces dires sont latins...)
" Ces Ligures étaient les peuples des plus durs travaux. Les uns, la journée entière, armés de lourdes haches, fendaient et abattaient les arbres puissants de la montagne. Les autres, courbés vers la terre, cassaient les cailloux de leurs rochers pour se créer quelques terrains de culture. (Ne retrouve-t-on pas là le peuple des murettes et des pierres sèches?) D'autres pourchassaient les bêtes sauvages. Et les plus hardis, enfin, montés sur des barques plus simples même que des radeaux, faites peut-être de troncs d'arbres creusés, s'en allaient courir les mers dans une égale ignorance du danger et du secours, et demandaient aux eaux lointaines le poisson dont leur rives se montraient avares... Le principal caractère qu'on ait signalé chez les Ligures de l'océan et des époques lointaines est l'extraordinaire vitesse de leur courses. Ceux des rives de la Manche et de la Mer du Nord firent aux négociants de Cadix, l'impression de marins effrontés, conduisant leur barque de cuir cousu au milieu des pires tempêtes.
"Ce courage et cet amour de l'indépendance s'alliaient à un culte extraordinaire pour le sol natal. Parmi toutes les nations de l'antiquité, je n'en trouve aucune qui fut moins mobile. Aucune invasion, aucune expédition de conquête n'est partie de leur pays..."
Cela est important car, s' il ne s'agit pas d'une race conquérante, c'est qu'ils ne sont pas en Occident, les descendants d'une armée d'envahisseurs. Il s'agit donc d'"autochtones" et non de "venus d'ailleurs". Lorsque la légende parle de la résistance opposée à Hercule dans les temps néolithiques par les Ligures, il y a à cela apparence de vérité. Il s'agit de ce même peuple dont parleront les Anciens des millénaires plus tard...
D'ailleurs, Jullian ajoute, toujours d'après les témoignages des Anciens :
"Quand ils cherchent des aventures lointaines, c'est uniquement sur les routes maritimes, et le métier de pêcheur et de marin n'est pas incompatible avec l'amour tenace des poutres et du seuil de la chaumière. Chassé par l'ennemi de sa terre le Ligure y revient dès qu'il peut." (D'après Avienus).
Et Jullian s'interroge :
"Plus on étudie ce monde ligure, plus y apparait le rôle prépondérant de la mer. Je me demande si son unité sa langue et quelques-unes de ses habitudes n'ont pas été créées par une nation de la mer : et je songe chaque jour d'avantage aux hommes de la mer du Nord, et à un peuplement de l'Europe, dans les temps préhistoriques, analogues aux migrations de l'époque des Normands."
Et, sinon pour eux, du moins pour leurs "civilisateurs" il en fut bien ainsi!
"Ils ne furent pas artistes", dit Jullian qui avait la conception artistique sentimentale de son temps, "mais ils retrouvaient la sûreté du coup d'oeil, la précision du geste, la ténacité de l'effort physique quand il s'agissait de travailler la matière..."
L'importance de cela est extrême! On s'est demandé d'où venait cette tradition purement occidentale qui, dans ses relations monumentales, évitait l'imitation des Romains, malgré l'occupation de cinq siècles, l'imitation grecque, malgré Marseille et les voyageurs grecs, et qui devenue chrétienne et réduite par les barbares wisigoths, burgondes ou francs ne prenait que du bout des dents les modèles d'Orient pour aboutir à ce premier éclatement que fut le Roman, encore entaché de servitudes d'outre-mer puis à cette apothéose du Gothique qui paraît ne sortir de rien, de nulle part, sans modèle. Ce n'était qu'une adaptation aux temps et aux rites de l'antique tradition ligure...
Ecoutez encore Jullian :
"Au premier abord, les habitants de la Gaule, dans les premiers siècles qui ont précédé l'an 600, paraissent surtout des travailleurs de la pierre. C'est la pierre, en effet, qui a été la matière des principales oeuvres qui ont survécu de ce temps des pointes de flèches ou de javelots en silex taillé, types immémoriaux d'armes auxquels l'homme ne savait pas renoncer; les bâtisses mégalithiques en blocs ou dalles de pierre mal dégrossie, et enfin les haches de pierre polie. Ces derniers produits étaient ce que l'industrie livrait de plus achevé, ce qui dénotait le plus de réflexion et de patience. Pour arriver à produire ces puissants instruments capables d'entailler sans ébréchure de robustes troncs d'arbres..., masses au corps lisse comme une feuille de verre, au tranchant éguisé comme une lame de métal, il fallait rechercher avec soin les pierres à la fois les plus fines et les plus dures, les plus tenaces et les plus compactes, propre à la fois à glisser et à trancher... Les ouvriers d'alors avaient donc des notions exactes et nettes sur les degrés de résistance réciproque des diverses roches indigènes..."
On sent que si Jullian n'était pas au Collège de France, il irait jusqu'à risquer le mot d'initiation... Et c'est bien en effet de cela qu'il s'agit : d'une initiation aux lois de la matière...
"De même les plus grands menhirs et des dolmens révèlent des prodiges de mécanique. Si la plupart de ces blocs ont été pris sur le sol du pays, encore avait-on à les détacher, à les traîner, à les soulever, les ériger, les mettre en place et les fixer; quelques-uns pesaient deux cent cinquante mille kilogrammes, d'autres peut-être d'avantage, et certaines des pierres, et des plus lourdes, ont été transportées sur sept ou huit lieues." (250 Km pour certains mégalithes de Stonehenge.)
Et, pour tout cela, il faut, en plus des bras d'hommes que l'on suppose être là, "des leviers, des rouleaux, des treuils, des cordages, dont le jeu, la puissance de tension et la solidité soient soigneusement calculés..."
En bref, il faut des ingénieurs... Mais comment oser parler d'ingénieurs en ces temps?
" Mais - c'est toujours Jullian qui parle et l'on se s'en lasse pas - à côté des carriers ligures, songeons aux charpentiers. Ces lourdes haches de pierre étaient surtout destinées à abattre et à équarrir des pièces énormes. Les demeures des vivants, "charpentées" et bien "ajustées", étaient aussi nombreuses que les chambres de pierre des morts... Ces hommes ont étudié le bois avec le même bonheur que la pierre; ils estimaient la valeur de résistance d'une poutre, la force et la durée de sa matière. Ce sont eux qui ont construit les vastes pilotis des cités lacustres de la Suisse et de la Savoie... "
Cela encore, ce n'est pas travail d'apprenti, mais de compagnon, de maître, de calculateur, auquel la connaissance de la matière est remontée de la main au cerveau, ce qui constitue très exactement ce que l'on nomme l'initiation.
Ils furent également cultivateurs. Jullian glisse sur ce point mais les preuves s'en étalent encore aujourd'hui dans ces savantes utilisations des pentes étagés en terrasses soutenues de murs de pierre sèches qui donnent à la fois aux plantes une humidité normale, et le meilleur soleil pour la maturation.
La preuve abonde, dans les pays "à pierres", de ces champs soigneusement nettoyés et délimités de murettes dont la résistance a défié siècles et millénaires; dans ces découpages des pays de bocages où tout est mis en oeuvre pour retenir les terres nouricières contre l'érosion des eaux et des vents.
Mais la culture, si elle s'exécute avec des bras et des instruments, demande au moins que les bras soient instruits de leur tâche et de celle des outils... Et il faut un initiateur, qui doit être plus qu'un chimiste des sols, mais un véritable savant de toutes les réactions telluriques, végétales : un agronome.
Les anciens se sont étonnés - et Jullian après eux - que ces gens, ces Ligures qui ont résisté aux Romains avec un acharnement égal ou supérieur à celui des Espagnols et des Gaulois, qui ont remporté plus d'une fois d'éclatantes victoires, n'aient livré aucun nom de chef, contrairement aux autres peuples, si bien qu'il est impossible de savoir comment ils étaient commandés.
C'est évidemment gênant pour des historiens pour qui, trop souvent, l'histoire se réduit aux noms... A croire que ces hommes n'avaient aucun culte de la personnalité... Mais interdire au chef d'avoir un nom, lui interdire, en quelque sorte, de se croire d'essence supérieure - même s'il est - à la fois quelle sagesse et quelle plénitude.
Résumons cela.
Du néolithique, ou environ - mais où se situe le néolithique? - à l'invasion celte puis l'invasion romaines, les pays sont occupés par des barbares pillards et ignares qui sont cependant parmi les meilleurs ouvriers de la pierre et du bois et qui ont des connaissances intellectuelles sur ces matières et les manières de s'en servir.
Des barbares qui cultivent avec tout ce que cela suppose de connaissance physique et instinctive des animaux.
Des barbares qui sont marins avec tout ce que cela suppose de connaissances du génie maritime, des bois, de la mer, de la navigation...
Des barbares, enfin qui "manipulent" des blocs de pierre que nos ingénieurs actuels, avec tout leur matériel, seraient parfois bien en peine de manoeuvrer...
Il y a là comme un défaut dans la façon de considérer l'histoire...
Surtout qu'il est bien d'autres choses que les historiens et préhistoriens ont soigneusement éviter de voir...

CIVILISATION.

Il a existé, dans des temps fort anciens qui, toutefois, ne sont pas tout à fait de la préhistoire, une civilisation dont les bases mêmes nous sont inconnues mais qui fut certainement extraordinaire.
Nous ne la connaissons plus parce que ce qu'il y avait en elle d'intellectuel a normalement disparu et que nous tenons présentement que seul l'intellectuel est " civilisé ".
Nous ne comprenons plus les traces matérielles qui en demeurent et, de ce fait, nous avons tendance à les considérer comme le fruit d'une certaine barbarie et d'une pensée sommaire.
En bref, nous sommes incapables de nous évader de notre forme actuelle de pensée pour tenter d'atteindre d'autres formes disparues; cependant, sans cette civilisation, la nôtre n'existerait pas et nous en serions encore à traquer les animaux sauvages et, peut-être, à nous entre dévorer.

[HERITAGE]

Ce que nous a laissé cette civilisation, entre autres choses, c'est l'élevage, la culture et quelques signes, sans doute scientifiques, que nous ne savons plus tous lire et que, de ce fait, nous avons tendance à mettre sur le compte d'une imagination infantile provoquée par les fameuses " terreurs " superstitieuses de l' " animal " homme.

[MAGIE, MUTATIONS]

Il faut que les historiens et préhistoriens aient quelque naïveté, ou une méconnaissance totale des animaux, pour croire que la domestication de troupeaux a pu se faire par on ne sait trop quel apprivoisement suivi d'accoutumance.
Un animal, même fort sauvage, s'apprivoise avec une relative facilité. Il n'y faut guère que de la patience et de l'amitié. Peut-être serait-il possible à une succession de générations, consciente d'un but à atteindre et en partant de l'animal apprivoisé, de créer une " souche " plus ou moins amicalement liée à l'homme - et c'est sans doute ce qui eut lieu pour le chien. Mais domestiquer une race ou même un ensemble d'animaux est un tout autre problème.
C'est un problème de "magie" et non pas au sens charlatanesque du terme.
La domestication d'une race exige une " mutation ". Il faut changer le "génie" de la race ou en termes actuels, en modifier les "gènes" (c'est d'ailleurs le même mot). Et il faut le faire sans altérer les qualités que l'on désire conserver.
Il n'est peut-être pas impossible - bien que je ne le croie pas - d'obtenir ce résultat à travers des générations et des générations de sélections. Mais, de toute façon cela demanderait une organisation d' " élevage " qui serait déjà une preuve de civilisation solidement établie et persistante.

[HOMME PREHISTORIQUE ET INGENIEUR ?]

Seulement si l'on veut bien réfléchir et imaginer ce qu'était le foyer de l'homme préhistorique ou celui du clan préhistorique et tenter également d'imaginer l'apprivoisement de " bovins " sauvages jusqu'à les domestiquer, on éprouve quelques difficultés à faire cadrer l'idée de troupeau avec l'état d'homme préhistorique tel que l'on nous le présente : chasseur, pêcheur et casseur de cailloux... nettement sous développé.
Quelle que soit la façon dont on agit sur le génie de la race à domestiquer, il est évident qu'il faut une connaissance profonde de ce " génie " et une non moins grande connaissance des moyens d'action.
C'est là une réalisation bien autrement difficile et qui demande beaucoup plus de science véritable que toutes les réalisations industrielles qu'accomplissent nos ingénieurs.

[GERYON ELEVEUR ?, HERCULE VOLEUR]

Or, Géryon, dans son île Atlantique, est un éleveur qui a un troupeau de vaches, et l'expédition d'Hercule n'a pas d'autre but que de se les approprier. Hercule n'est pas un éleveur, tout au plus un chasseur.
La légende situe incontestablement d'où vient l'"invention" de l'élevage...

[PEINTURES RUPESTRES MOYEN MAGIQUE ?]

J'ai quelque raison de penser que les peintures rupestres tellement admirables que toutes les qualités d'une espèce semblent avoir été réunies dans le spécimen peint, ont été avec d'autres, parmi les moyens mis en oeuvre pour " travailler " le génie des races. Magies, c'est-à-dire actions, dont nous ne connaissons plus le processus scientifique, car certaines peintures ne sont pas plus des graffiti gratuits que des manifestations esthétiques.

[PEINTURES OU GRAFFITIS]

Presque tous les préhistoriens ont vu, dans les peintures rupestres, des actes magiques concernant la chasse ou la fécondité. Il eut, certes, des magies de chasse essayées dans les cavernes; et quelquefois même en " surimpression " sur des peintures plus anciennes et qui ne concernaient certes pas la chasse, mais il est pour le moins étonnant que les spécialistes n'aient pas paru remarquer quelle différence, même artistique, les séparait des autres. Comment assimiler les peintures d'Altamira aux graffitis des cavernes de chasseurs?...

[IMPOSSIBILITE PICTURALE]

Et il faut imaginer - je pense à Altamira - que les peintures de la grotte ont été réalisées sur un plafond qui se trouvait parfois à moins d'un mètre du plancher (celui-ci a été, depuis, creusé pour les touristes), et cela dans une salle fort éloignée de l'entrée et sans que les lumières artificielles, telles que torches ou brandons, aient laissé des traces fumeuses. En bref : réalisées dans la plus complète impossibilité picturale...
Personnellement, je ne puis considérer comme exclu que l'"opérateur" ait été en état second.

[ACTION DE FORME...]

Enfin, il est assez extraordinaire que des " buffles ". Par exemples, d'Altamira ou de Lascaux, s'inscrivent, debout ou couché, dans une figure géométrique semblable, comme s'il avait été recherché, avant tout, à établir une action de forme (ONDES DE FORMES) sur des animaux errant à l'extérieur.
Par quel procédé?, cela dépasse mon entendement, mais ce n'est pas une raison suffisante pour nier...
Et puis, enfin, ces peintures rupestres, invisibles, ne furent tout de même pas exécutées pour constituer un musée préhistorique!
Je peux me tromper quant à l'utilisation des peintures, ce n'est là qu'une hypothèse, mais il n'empêche que des animaux ont été domestiqués : ovins, caprins, bovins, équidés. Et que la mutation fut stable puisqu'elle dure encore...

[AGRICULTURE]

(...) En ce qui concerne la culture le mystère est plus grand encore...
Sur le papier, c'est très simple et les spécialistes l'ont résolu sans difficulté, par le " brûlis ". Voilà : on brûle un coin de forêt; sur cet emplacement poussent des graminées, on en sélectionne les graines que l'on replante les années suivantes dans un autre " brûlis " ; la qualité du grain s'améliorant d'année en année on finit par récolter des céréales. Et l'on se retrouve avec des avoines, des orges, des millets, des blés, des maïs...
Il faudra, quelque jour, demander à nos agronomes d'essayer cela et, bien entendu, avec leurs mains nues et un camion de morceaux de silex - et tout en assurant leur subsistance par les moyens du bord.
Impossible ? Qu'à cela ne tienne. On fera donc opérer cette sélection à long terme en des lieux sans forêts, où la terre est " limon " par suite d'inondations annuelles, comme en Egypte et comme ce dut être en Mésopotamie. Et il est vrai que, lorsque l'on eut quelque chose à cultiver, c'est certainement en ces lieux que la réussite fut la plus grande.
Quant à passer de l'herbe à la céréale, c'est autre chose. Là comme avec les animaux, il faut obtenir une mutation, il faut changer le " génie " de la plante.
Sans doute a-t-on retrouvé la plupart des espèces sauvages qui furent à l'origine de cette mutation, mais personne ne sait comment elle fut opérée. Et je suis convaincu qu'aucun agronome moderne, avec, pourtant, des champs millénairement préparés pour la culture, ne sauraient la réaliser.

[CHASSEUR, CULTIVATEUR OU INGENIEUR ?]

Nous avons l'orge, nous avons le maïs, nous avons l'avoine, et il est strictement impossible que l'homme préhistorique, tel que l'on nous le décrit, n'ait jamais pu les " construire "...
Cela ne se fait point en pourchassant l'aurochs dans les bégonias sauvages. En admettant qu'une telle mutation ait pu s'obtenir par une lente transformation, une lente sélection, encore eut-il fallu d'abord créer le moyen de cette sélection : les champs. Donc, il eût fallu que l'homme fût cultivateur avant d'avoir quelque chose à cultiver et moins qu'il eût été prophète, avant de savoir même ce qu'il aurait un jour à cultiver.
Et le blé? D'où vient-il don, ce blé?
La trouvaille dernière, en Asie, d'un triticum dit sauvage est venue libérer d'un gros poids d'irrationalisme les préhistoriens. Et s'il est vrai que ce triticum est réellement du blé sauvage (on l'a découvert bien tard !) et non du blé dégénéré, on se demande par quelle opération de leur esprit ceux qui entreprirent de le rendre " blé ", froment, savaient, d'une part, ce qu'ils obtiendraient en le sélectionnant et d'autre part, comment ils le sélectionneraient.

[UN ENSEIGNEMENT DES DIEUX]

On oublie trop que la culture est une des sciences les plus " difficiles " du monde et que " faire le blé " a été un tour de force qui postulait une connaissance de la nature, du sol et des plantes qui ne peut être le fait que de gens extrêmement savants...
Là encore, il a fallu que cela soit " donné " à nos ancêtres de la préhistoire ou de la protohistoire, qu'ils aient été d'Orient ou d'Occident.
Cela est si évident que tous les légendaires, d'où qu'ils soient, donnent toujours l'agriculture comme ayant été enseignée aux hommes par des Dieux. Dire que la culture, le blé, les céréales nous sont venues d'Orient, ce n'est pas répondre à la question mais la déplacer géographiquement.
En fait - et obligatoirement - il y a à la base de l'élevage et de l'agriculture, une civilisation savante, très savante, créée par des êtres exceptionnels ayant percé, de sorte ou d'autre, les secrets de la nature et les lois de celle-ci.

[HERCULE AGENT TRANSMETTEUR]

Chercher quels furent ces créateurs est utopique, mais non point chercher les " transmetteurs ".
Et les transmetteurs, eux, ne sont qu'à demi-légendaires. De même qu'il voulait s'emparer des produits de l'élevage de Géryon, c'est bien pour se procurer des produits de culture qu'Hercule s'en allait vers le Jardin des Hespérides. C'est bien un jardin, non pas une forêt, non pas une savane que garde Antée et que possèdent les Hespérides...
Tout protogrec qu'il est, Hercule n'est encore qu'un barbare qui chasse à l'arc et à la massue, qui ne cultive ni n'élève. C'est chez les Atlantes du Maroc ou d'au-delà qu'il va chercher cette initiation.

[L'ATLANTIDE DE PLATON]

Et quand Platon, d'après les récits du prêtre de Saïs, énumère les ressources Atlantes, il indique bien que : " L'île nourrissait en suffisance tous les animaux domestiques et sauvages " et " elle donnait encore et les fruits cultivés et les graines qui ont été faites pour nourrir et dont nous tirons les farines (nous en nommons céréales les diverses variétés) ".
Pour Dacqué, il est net que ces Hespéridiens ont dû être une race d'hommes plus ancienne et de civilisation plus mûre que la race d'où Héraklès sortit pour aller à eux. Ils avaient encore en leur possession des choses qui étaient probablement la conquête d'un savoir étendu et de beaucoup d'industrie. Parmi ces choses étaient les céréales et des races améliorées de fruits ".

[LES HESPERIDIENS]

Le savoir de ces " Hespéridiens " ne s'arrête pas aux animaux et aux plantes, ce qui serait étonnant. Platon les dits marins, métallurgistes, et constructeurs.
On ne retrouve pas trace de leur métallurgie, au moins ne peut-on rien leur attribuer de façon certaine. Mais le métal résiste peu au temps.
De même ne retrouve-t-on aucun reste de leurs bateaux, mais il existe dans la protohistoire trop de " gens venus de la mer ", Pélasges ou Morgans, Chanes ou autres sauvés des eaux, pour qu'on puisse nier qu'il eu un peuple marin. Ce peuple marin n'est pas méditerranéen, il faut donc qu'il soit atlantique. Et cela implique que ce peuple marin avait une technique de charpente, de travail du bois et d'assemblage du bois. Et même, je me demande ci cela n'impliquerait point également - et par nécessité - des connaissances métallurgiques pour réussir des assemblages tels qu'en nécessitent les bâtiments...
Enfin, ils sont constructeurs, non seulement en bois, puisqu'ils sont charpentiers de marine, mais en pierre. Et cela nous mène à la nécessaire existence d'un peuple concepteur et constructeur de dolmens.
Il se trouve en effet, que l'on ne peut séparer les dolmens de la marine, aussi étonnant que cela puisse sembler à première vue, car les dolmens ont été répandus dans le monde entier. Comme s'il avait existé une " diaspora ".

(D'après Louis Charpentier : " Les Géants et le Mystère des Origines ", Editions " J'ai lu " , pages 86 à 94).


LA DIASPORA.

Comme toute chose, les civilisations sont mortelles et celle qui fit l'élevage et la culture mourut.
Elle mourut d'un cataclysme tellement brutal, terrible et universel qu'il est demeuré dans la mémoire de tous les peuples sous des formes différents dont la plus générale a été la submersion du monde.
Qui peut savoir ce qui demeura des hommes, des animaux, des biens, des sciences après ce cataclysme? La préhistoire en a conservé la trace dans ce fameux " hiatus " qui sépare les âges de la pierre taillée du néolithique. Il fallut alors que ceux qui avaient conservé quelque teinture des sciences anciennes entreprissent une reconquête (QUETE?).
Là où ils se trouvaient, là où ils avaient été dispersés et cette reconquête fut longue puisqu'elle se chiffre en millénaires et qu'elle ne put certainement être réalisée en dehors des primitifs survivants des contrées de dispersion qu'il fallut plus ou moins subjuguer, puis instruire.

[LES MEGALITHES TEMOIGNENT DE LA DIASPORA]

Cette dispersion et cette difficile reconquête, nous la trouvons inscrite sur le sol par les monuments mégalithiques et plus spécialement ceux du type " dolmen ".
Ces monuments, dont la répartition s'étend de l'extrême Occident à l'extrême Orient, ont entre eux trop de similitude pour ne pas procéder d'une conception unique. Et conception unique implique unité d'origine.
Sur la carte, il est immédiatement " lisible " que tous sont peu éloignés de la mer ou de fleuves navigables ou bien installés dans des régions de hautes montagnes, mais non loin de la mer. Aucun en Asie centrale, aucun en Afrique centrale, aucun en Europe centrale...

[SIGNATURE MARITIME]

La " signature " maritime est formelle, tout autant que l'unité d'origine. Il s'agit donc des réalisations d'un peuple de marins et, comme la probabilité veut que la plus grande densité corresponde à la plus grande proximité du lieu d'origine, cette densité étant la plus grande près des côtes atlantiques, l'origine est logiquement occidentale.
Cependant, on ne retrouve pas, en ces lieux de dispersion des dolmens, trace d'une race commune, ce qui pourrait sembler étonnant si la légende n'apportait quelque explication à ce fait.

[TROIS HESPERIDES...]

Il nous faut revenir aux Hespérides.
Celles-ci étaient trois. Trois " filles d'Atlas " qui possédaient le jardin aux pommes d'or; une noire, une rouge et une blanche; trois tribus, personnification de trois races de couleur différente, et le " Jardin ", le trésor du savoir, leur était commun.
Au moment du cataclysme qui dévasta tout, il eut, obligatoirement, dispersion (qui d'ailleurs avait peut-être déjà été ébauchée sous forme de cette colonisation des deux rives de l'Atlantique dont parle Platon).
Le fait qu'il y ait eu trois " filles " de couleur différente montre que si le trésor était commun, il existait une certaine ségrégation et l'on peut se demander si la dispersion n'a pas été, au moins dans ses grandes lignes, accomplie selon un ordre préétabli.
Nous retrouvons, en effet, la trace d'Atlantes noirs, d'Atlantes rouges et d'Atlantes blancs.

[UNE NOIRE]

Il existe en Afrique, aux Indes, en Amérique du sud, des peuples noirs qui ne sont nullement négroïdes, par exemple les Peuhls du Sénégal où sont encore des ensembles dolméniques; les Haratines du Zambèze où sont encore les ruines de villes mystérieuses; des tribus de l'Ethiopie où se trouvent également des ensembles mégalithiques. Dans le sud ouest du Yémen et dans l'Hadramaouth, sont de vieilles populations apparentées aux Ethiopiens et qui ont, chose curieuse, des rapports encore inexpliqués avec les tribus berbères de l'Atlas marocain, quant aux musiques, chants et danses.

[UNE ROUGE]

Il serait incompréhensible sans cette dispersion, que l'on retrouve des " rouges " aussi bien en Amérique que dans le bassin oriental méditerranéen. Il y a les " Ghomora (les Rouges) " dans la région de la ville sainte de Chaouen, dans le Rif. Le mot Phénicien signifie rouge, et les Phéniciens ont occupé, autrefois, outre les bords de la Mer rouge, toute la côte de l'Asie proche-orientale et nombre d'îles comme Milet, la Crète (les Egyptiens appelaient les Crétois " Keftiu " et les représentaient imberbes et à la peau rouge comme les Phéniciens).
Ce fut un peuple marin et l'on retrouve également chez eux des mégalithes.

[UNE BLANCHE]

La tribu blanche se répandit vers l'Europe jusque vers l'extrême Nord et la Sibérie. Ils couvrirent - ou firent couvrir - les territoires où ils demeurèrent de mégalithes...

[SAUVE DES EAUX.]

Cette " diaspora ", cette dispersion, volontaire ou non, par les cataclysmes, mène les tribus atlantes dans tous les pays du monde. Et toutes les légendes des origines convergent avec les faits, rares, que nous connaissons. Et partout se retrouve le même thème de l' " homme sauvé des eaux ". Ou bien chassé...
La légende la plus connue est certes celle de la Genèse. Un paradis - Eden, qui ressemble fort à Ande - dont les habitants - dont l'Adam - sont chassées " vers l'est " après avoir mangé du fruit de l'Arbre de la Science. Une autre légende s'y superpose, celle du marin sauvé des eaux après avoir construit un bateau : Noé, éleveur qui sauve son troupeau et jardinier qui plante la vigne.
Parallèlement, en Amérique du Sud, le premier homme fuit également un déluge, mais il le fuit " vers l'ouest ", lui aussi est savant. Et il se réfugie dans les Andes.

L'ENIGME DE TARTESSOS.

[HIATUS]

Le néolithique voit apparaître, dès son début, la pierre polie. Dès son début : c'est à dire immédiatement après ce que les préhistoriens nomment le "hiatus", la fin catastrophique de l'ère des cavernes et de la pierre taillée.

[L'ERE DES CONSTRUCTEURS]

La pierre polie, ce n'est pas seulement un changement de technique dans la manière d'utiliser la pierre, c'est, en fait, la création de l'outil à façonner le bois. C'est le début des constructeurs. Les constructeurs commencent avec la hache. L'homme va faire son monde humain. Tout ce que l'homme a réalisé part de là. Toute son évolution personnelle également.
La pierre polie apparaît brutalement dès le néolithique; c'est une mutation qui n'est pas individuelle mais générale...

[MUTATION... LA HACHE...]

Il faut bien que cette mutation ait été provoquée, et en divers lieux. Il a fallu enseigner aux hommes les matières valables pour la fabrication de haches valables pour qu'ils puissent devenir des bûcherons, des charpentiers...
Des millénaires, la hache demeurera un instrument, un objet sacré. On la mettra dans les tombes comme un signe de supériorité. La hache de pierre polie, non point celle de pierre taillée.
C'est effectivement cette hache de pierre qui est la clé de tout, y compris les arts du feu, puisqu'elle permet une utilisation rationnelle du bois de cuisson. C'est le début de la céramique.

[NAVIGATION = METALLURGIE]

Le métal viendra plus tard, mais il ne faut pas s'y tromper, l'utilisation du métal est bien antérieure à ce que l'on croit généralement...
Pour s'en tenir à la légende, aux légendes de "Noé", il est difficilement admissible que des "arches" capables d'affronter le grand large aient pu être construites sans secours métallique, qu'il s'agisse de cuivre, de bronze ou du fer.
Ce pourraient donc être ces rescapés marins du cataclysme qui auraient apporté la métallurgie, mais celle-ci semble se faire jour très tardivement. Il n'est pas exclu que ce "retard" ait été le résultat d'un tabou.

[LE BRONZE, INVENTION D'ORIENT OU D'OCCIDENT ?]

En fait, on ne sait ni où ni quand apparut le bronze. Les préhistoriens paraissent subir encore une sorte de dogme issu de l'utilisation chrétienne de la Bible que la lumière vient obligatoirement d'Orient. Rien n'est moins sûr et l'on peut aussi bien créditer le Proche Orient de l'apparition du bronze que Tartessos.

[TARTESSOS TARSHISH]

Et nous voici confrontés avec le mystère de Tartessos, le Tarshish de la Bible.
Qu'était donc Tartessos? Une cité, au moins, et plus probablement un territoire, vers l'embouchure du Guadalquivir.
Les alluvions l'ont maintenant entièrement recouverte, si bien qu'il est difficile d'en retrouver exactement l'emplacement.
On sait, toutefois, qu'elle se situait au-dessus de Cadix, l'ancienne Gadir des Phéniciens, puis Gadès des Romains; or si l'on en croit Platon, les deux "aînés" des rois descendants de Poseïdon, dieu de l'Atlantide, avaient pour nom Atlas et Gadir.

[(ANT)ALOUSIE]

L'Atlas est, par-delà le détroit de Gibraltar, le pays d'Antée et, quant à l'Arrière-pays de Cadix, c'est l'Andalousie formée du même radical, ANT ou AND, qu'Antée.
A cause de cela, certains ont voulu voir, dans cette Andalousie et dans Tartessos, cité dont la création se perd dans la nuit des temps, l'Atlantide de Platon, ou une colonie atlante antérieure au "Déluge". Les monts d'Andalousie, Sierra Morena et Sierra Nevada ayant pu être refuges tout autant que l'Atlas; les survivants regagnant les basses terres au fur et à mesure du retrait des eaux... Il y a une légende "Noé" à Tingiz - Tanger- et le cap Spartel se nommait autrefois Ampélousia : le cap aux vignes. (Selon la Bible, Noé, à l'issue du déluge, planta une vigne.)

[EMPLACEMENT]

Il semble qu'il se soit agi, du moins pour la cité de Tartessos, d'une presqu'île entre le Lac Ligustique au nord, l'Atlantique à l'ouest et un golfe depuis comblé par le Guadalquivir au sud. Il se pourrait que son nom soit bascoïde et signifiât : "entre deux marais" : Tarte-Xili (étymologie avancée sous réserve...).

[UN PEUPLE DE MARINS]

Les Tartessiens étaient des marins, marins de l'Atlantique, ce qui suppose des chantiers navals et une connaissance métallurgique et certains auteurs n'hésitent pas à leur attribuer l'invention du bronze vers 3500 à 3000 av. J.-C.
Ce serait eux qui auraient donné aux îles Britanniques le nom d'Alebion, nom qui renferme une idée de blancheur. Il faut noter l'existence d'une tribu ou d'un peuple Alebion en Galice, non loin de La Corogne...

[DES METALLURGISTES]

D'autres attribuent cette invention du bronze aux Hittites; les Hittites du Caucase...
Il est bien entendu que cette période dite âge du Bronze a été précédée de la période du Cuivre : chalcolithique, de Chalcos, cuivre... Et un cuivre doré, cela donnerait en grec, aurichalque, métal atlante dont Platon disait qu'il ignorait la nature... Mais les clous de cuivre sont suffisants pour la marine de haute mer. Il s'agit cependant de métallurgie.

[PELASGES]

Or, à un tournant de la protohistoire apparaissent, dans les eaux de la Méditerranée, les Pélasges, les hommes qui viennent de la mer.
En Méditerranée, les hommes qui "viennent de la mer" ne peuvent venir que de l'Occident, par le détroit de Gibraltar. Ce sont pour les Grecs, les "divins Pélasges", des êtres supérieurs, et, de plus, donnés comme les ancêtres de certains Grecs.
(...) La brutale dernière glaciation qui tua les mammouths de Sibérie le temps d'une demi-digestion ne dut pas être plus courtoise envers les hommes du néolithique qui vivaient au-dessus du 45ème parallèle... Et elle dura quelques millénaires.
Ces Pélasges, hommes blancs, ne pouvaient venir que de l'ouest, d'un peuple marin, d'un peuple savant puisque navigateur. Disparue l'Atlantide, et puisqu'ils sont bien postérieurs à cette disparition, on ne peut chercher leur origine que de l'Atlas aux îles Britanniques - et plus probablement à Tartessos.

[TRADITION MARITIME...]

Il y donc, à ce moment de la protohistoire, deux civilisations maritimes en Méditerranée : les Pélasges et les Phéniciens. Plus une civilisation de tradition maritime - mais seulement de tradition - l'égyptienne.
Il faut s'expliquer sur ce point.

[EGYPTIENS]

Les Egyptiens ne sont pas navigateurs, sauf sur le Nil; la navigation maritime pose de tout autres problèmes que la navigation fluviale qui peut être résolue, comme le firent les pharaons, avec des papyrus liés ensemble... C'est ce qu'a réalisé Thor Eyerdahl avec l'espoir de traverser l'Atlantique à bord d'un tel engin. L'engin se désagrégea une première fois au milieu de la course (sur le chemin pourtant le plus aisé de navigation atlantique) et la seconde fois, si le bateau réussit à traverser, il arriva dans un tel état qu'il n'était plus utilisable.
Il existe d'ailleurs un document égyptien relatant qu'un pharaon qui voulait faire explorer le tour de l'Afrique, peut-être à la recherche de l'or, fit affréter un bateau par les Phéniciens qui en composaient également l'équipage. Ils emmenaient avec eux deux officiers du pharaon. Il est évident que si celui-ci avait possédé une marine de haute mer, point n'eut été besoin de recourir à la marine phénicienne.
La tradition maritime égyptienne n'en existe pas moins pour autant, bien qu'elle ait cessé d'être active. En effet, l'habitude a persisté de la barque sacrée qui était à la disposition du pharaon mort pour regagner la "Terre des Ancêtres" en Occident.
Cette barque est d'ailleurs accompagnée de celle d'Osiris, qui doit le guider vers cette terre.

[L'OIE...]

Or, un ensemble troublant de faits concernant ces temps antéhistoriques ou protohistoriques, de traditions persistantes durant une longue période de l'histoire, relie indubitablement l'Oie aux peuples navigateurs - et par cela même aux peuples des dolmens (Il n'existe d'ensembles dolméniques que dans les régions proches de la mer ou de fleuves navigables - ou qui le furent).

[LES PHENICIENS]

Les Phéniciens, que l'on connaît vivant où se situe l'actuel Liban, sont les grands marins méditerranéens de l'Antiquité. En des temps très lointains ils ont franchi le détroit de Gibraltar et exploré les côtes atlantiques d'Afrique et d'Europe. Ils commercent avec Tartessos. Ce sont eux qui constituent la marine du roi Salomon, les Hébreux n'ayant jamais possédé de marine. Ce sont eux qui construisirent son temple. Ils ont sans doute poussé jusqu'en Amérique... Ils inventent, dit-on l'alphabet.
Or ce peuple phénicien est bien mystérieux. On ne retrouve sa souche nulle part. On admet, jusqu'à plus ample informé, qu'ils seraient descendant d'Himarites qui, venus des lointains du golfe d'Aden, auraient remonté le long de la Mer Rouge...

[ROUGES !]

Ils sont de race rouge. Himarite (H.M.R) veut dire rouge; le nom grec de Phénicien, Phoeniké, veut dire rouge. C'est un nom que garderont une partie d'entre eux qui, vers 800 av. J.-C., iront s'installer à Carthage où ils deviendront, pour les autres peuples : les Puniques.
Originellement, il semble que les Crétois soient de même race, en tous cas, les Egyptiens les appelaient rouges... Et eux aussi possédaient une marine.

[PHENICIENS EN ATLANTIQUE...]

Et ces gens là, les Phéniciens du moins, vont aller prospecter l'Atlantique et s'installer même en face de Tartessos, à Cadix, l'ancienne Gadir. Il semble également que ce soient eux qui apparaissent en Irlande sous le nom de "Milésiens"...
Que vont-ils faire en Atlantique? Sur les côtes africaines, on sait qu'ils vont chercher de l'or - et il n'est pas impossible qu'ils aient su où le trouver par les dires des gens de l'Atlas, ceux qu'Hérodote nommes "Atlantes".
Mais ils vont aussi, non seulement à Cadix, mais encore en Galice (on leur attribue les soubassements de la tour d'Hercule à La Corogne), en Armorique et aux Iles Cassitérites qui se trouvent, selon la plupart des historiens, au bout de la côte de la Cornouailles...
Il est bien connu qu'ils vont chercher du l'étain et peut-être le cuivre pour leur bronze.

[QUI LE LEUR A DIT ?]

Comment le savaient-ils? Il eût fallu une exploration préalable, puisque les indigènes n'utilisaient pas les métaux, soit des tartessiens, soit d'eux-mêmes...

[LE PEUPLE CANARD]

... A moins qu'il n'ait existé une tradition antérieure, une tradition commune à ces peuples de marins. Une tradition qui pourrait bien avoir quelque rapport avec l'oie, le palmipède. Car - je prends ce renseignement dans Le Trésor Cathare de Gérard de Sède - "peuple canard" était le surnom donné par les anciens aux Tartessiens ( et aux Phéniciens). Ceux-ci avaient d'ailleurs pris comme emblème une patte de palmipède, symbole de la rame. Près de Tartessos, un fleuve portait le nom latin de "canard" : Anas (Strabon III).

[LES BLANCS PELASGES]

Mais après les noirs Ethiopiens et rouges Phéniciens, voici les blancs Pélasges. Les Pélasges, les hommes de la mer, sont, dans la littérature grecque, des êtres divins. Platon les désigne toujours ainsi. Sans pour autant les considérer comme mythiques. Ils sont divins, donc savants. Ils viennent de l'ouest...
Ils semblent s'être installés dans la mer Egée et surtout en Lydie où ils fondent la ville d'Argo.
Et c'est d'Argo que part l'expédition du navire du même nom, vers le Caucase, pour aller chercher l'"objet" initiatique de la "Toison d'Or", obtenu après épreuves et "passages", grâce à une magicienne du cru.
Au Caucase où débarque un Noé, porteur de science, après avoir échappé au cataclysme du déluge; au Caucase d'où, de plus en plus, les archéologues considèrent que seraient venues toutes les techniques civilisatrices du Proche Orient; au Caucase où se trouvait enchaîné Prométhée pour avoir donné le feu du ciel aux hommes, Prométhée traître au secret.

[TINGIZ LA BLANCHE]

"Comment ne pas noter, écrit Gérard de Sède, que ces Pélasges et les villes qu'ils fondent sont marqué du signe de la blancheur? La blancheur, du grec : Argo."
Maintenant souvenez-vous qu'Antée, le géant qu'Hérodote eût appelé Atlante, fonda une ville au nom de sa femme : Tingiz, qui signifie : La Blanche.
Par railleurs, on a parfois rattaché les Pélasges aux Hittites, ce qui ramène à une parenté avec les peuples caucasiques ou, à tout le moins, certains d'entre eux. Enfin, ils sont directement rattachés aux peuples de la côte ionienne, avant que les Ioniens ne les eussent chassés.

[ETRUSQUES... ET L'OIE]

Sous la poussée celte des Ioniens, on admet généralement que des émigrants Pélasges seraient venus constituer le peuple étrusque, lequel fonda Alba, qui signifie : blanc. De plus, les Etrusques reconnaissaient officiellement, comme leurs parents, les habitants de l'ancienne Lydie... Et l'Oie était pour eux un animal sacré.
Enfin ajoutons que l'Albanie serait de création étrusque : Albanie, la Blanche; et rappelons le nom d'Alebion donné par les Tartessiens aux îles Britanniques; et les Alebionnes de la Galice compostellane.

Et rappelons aussi que les Jardins des Hespérides (toujours ce "Jardin à l'ouest") était la propriété des trois "Hespérides" filles du couchant : La Noire, la Rouge, et la Blanche...

[UNE MEME PARENTE... L'OIE]

On voit que tout cela bout dans la même marmite. Une marmite à trois pieds... Il semble bien que nous ayons là affaire, sinon au même peuple, du moins à des peuples apparentés, possédant des sciences de même origine et qui, après s'être cherchés et retrouvés, conserveront des relations généralement amicales; des peuples navigateurs très en avance sur leur contemporains sous-développés et qui, tous, ont, dans l'oie, une sorte de symbole supérieur (et le chef des Argonautes ne se nomment-ils pas Jason?)

[DOLMENS]

Il faut noter encore que tous les lieux d'origine (connus) de ces peuples sont marqués de dolmens : Ethiopie, Arabie, Caucase, Andalousie, Atlas et, bien entendu, toute l'Europe atlantique; et l'importance de ce signe n'est pas à négliger. Enfin, tous ont une propension naturelle à situer à l'ouest le pays du bonheur... Et c'est d'ailleurs une marche vers l'ouest qu'entreprend Ulysse dans l'Odyssée.

[L'ODYSSEE]

On a souvent noté que le nom d'Homère (H.M.R.) était le même que celui des Himarites, les rouges H.M.R.; en grec : Phoeniké, les Phéniciens. Victor Bérard pensait, et il a en donné des raisons très fortes, que l'Odyssée était d'origine phénicienne.
Il apparaît par ailleurs que les Grecs du temps de la guerre de Troie ignoraient à peu près tout de la Méditerranée occidentale et eussent été bien incapables de décrire, au pied des colonnes d'Hercules, et avec une telle minutie et une telle exactitude l'île de Calypso, telle quelle était et telle qu'elle est encore, près du mont des Singes, l'ancien mont Abyla, en face du rocher de Gibraltar.
Outre l'intérêt géographique et, il va sans dire, littéraire qui s'attache à l'Odyssée, il est un autre aspect qui apparente ce récit à tous les voyages initiatiques, qu'ils soient de terre ou de mer, et n'en vouloir connaître que l'aspect géographique (quelque exact qu'il soit, et on peut encore le suivre sur les "Instructions nautiques") serait en extraire toute la symbolique sacrée que les Grecs n'ignoraient point.
C'est en quelque sorte, le Livre des Morts grec, avec le chemin, les passages, les épreuves, jusqu'à la descente aux Enfers, l'esquive de l'appel de l'animalité, chez Circé et la "mort au monde" pendant sept années dans l'île de la Nymphe immortelle... Puis le retour de l'homme sans nom, supérieur et justicier...
Cela aussi est un aspect du chemin de Compostelle, chemin de mort.

(D'après Louis Charpentier : "Les Jacques et le Mystère de Compostelle", Editions "J'ai lu", page 70 à 79).


Mis à jour le 11-Avr-2011

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